Le problème est très bien posé : nous parlons de l'optimisation fiscale, c'est-à-dire de pratiques légales, et de l'ingénierie fiscale à laquelle recourent les sociétés. Aujourd'hui, le paramètre fiscal est un paramètre de management. Je suis certain que nous nous accorderons sur le fait que certaines des situations qui nous seront décrites dans le cadre de cette Commission sont moralement, économiquement et socialement inacceptables. Les paradis fiscaux constituent le paroxysme des effets néfastes de l'absence d'harmonisation fiscale au niveau mondial.
Je ne sais plus quel auteur a dit que le droit était la meilleure école de l'imagination, et je veux rassurer Monsieur Chiron sur ce point : nous avons tous les pouvoirs pour rédiger des textes, établir des définitions, fixer des interdits et des obligations déclaratives. Toutefois, nous nous heurterons à la mondialisation et à l'éclatement du juridisme. Des bois, une mine ne se délocalisent pas ; une usine d'embouteillage de dentifrice se délocalise très rapidement, en particulier quand les intérêts fiscaux sont tels que la production peut ne coûter quasiment rien. Il s'agit là de realpolitik. Ma question est donc la suivante - je la poserai souvent au cours de cette commission : croyez-vous que nous disposions encore d'un réel pouvoir fiscal ? Sommes-nous souverains en la matière ? Est-ce que le fait de voter des lois ne revient pas à se tirer une balle dans le pied si nos voisins et partenaires ne nous suivent pas ?