Monsieur le président, monsieur le rapporteur, messieurs les sénateurs, cet ouvrage avait vocation à faire la synthèse de ce qui existait et, notamment, à préciser un certain nombre de définitions, qui étaient parfois relativement floues. Cela nous a amenés à constater qu'il y avait, finalement, peu d'ouvrages ou d'articles qui abordaient le thème de la fraude fiscale et que, surtout, les éléments de définition pouvaient être mouvants, que les définitions elles-mêmes ne recouvraient pas tout à fait les mêmes réalités.
Nous nous sommes donc attachés à préciser certaines notions et, de fait, à tenter de couvrir le champ de la fraude fiscale et à en retracer l'ampleur. Or, ce faisant, nous nous sommes rendu compte qu'il y avait très peu de matériau, si ce n'est le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, datant de 2007, dans lequel, pour donner une idée de l'ampleur de la fraude fiscale et sociale, champ plus large que la simple évasion fiscale, on évoque un montant se situant entre 29 milliards et 40 milliards d'euros.
Ce chiffre est repris dans l'essentiel des articles que nous avons pu compiler, ainsi que dans la presse et dans les ouvrages spécialisés. Nous n'avons pas eu l'impression qu'il existait beaucoup de travaux qui puissent ne serait-ce que confirmer ou préciser ce montant.
Nous avons par ailleurs souhaité préciser des notions qui étaient floues ou parfois utilisées les unes pour les autres. Je pense notamment aux notions d'optimisation et de fraude fiscales.
Nous nous sommes également attachés à préciser le fait que l'évasion ou la fraude fiscale ne sont pas - et de loin ! - l'apanage des particuliers. Sous couvert d'une optimisation fiscale et par le jeu de l'internationalisation de leurs structures, les entreprises participent à ce que nous appellerons une « diminution assumée » de leur matière imposable par des utilisations comptables de cette matière, ce qui peut, pour certaines, s'assimiler à une forme d'évasion fiscale, dès lors que l'objectif est très clairement de localiser une partie des bases imposables dans des paradis fiscaux.
La notion de paradis fiscal est extrêmement difficile à appréhender, parce que les définitions sont très diverses. La liste noire des paradis fiscaux, établie par l'OCDE, ne comprend donc plus aucun pays, M. Prat l'a dit. Cela paraît surprenant. Il existe également une liste grise établie par l'OCDE. D'autres institutions internationales ont établi des listes d'États assimilés à des paradis fiscaux.
Le droit français retient la notion d'État ou de territoire non coopératif, sans mentionner celle de paradis fiscal. Des organisations non gouvernementales ont leur propre liste, beaucoup plus large que celles de l'OCDE.
La définition du paradis fiscal est donc floue. De fait, les pays considérés comme étant des paradis fiscaux ne sont pas clairement identifiés, ce qui contribue à rendre plus difficile encore la définition. On a aussi constaté que les aspects comptables, notamment les aspects extrêmement techniques de la comptabilité, comme la notion de prix de transfert, pouvaient être un moyen de participer à une évasion fiscale ou, en tout cas, à une minoration de la base imposable.
Le calcul des prix de transfert est une matière extrêmement complexe, qui fait intervenir des experts-comptables et des grands cabinets internationaux, et qui rend le contrôle des modalités de fraude fiscale extrêmement difficile.
Ce travail de synthèse et de définition nous a donc permis de constater qu'il n'y avait pas de concepts généralement partagés, qu'il existait de gros problèmes de définition et, partant, de grosses difficultés à appréhender aussi bien la matière que l'efficacité des politiques de lutte contre la fraude fiscale, puisque le champ est extrêmement difficile à circonscrire.