Intervention de Michel-Pierre Prat

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 7 mars 2012 : 1ère réunion
Audition de Mm. Michel-Pierre Prat et cyril janvier auteurs du « petit dictionnaire de la fraude fiscale »

Michel-Pierre Prat, coauteur du Petit dictionnaire de la fraude fiscale :

Ces derniers temps, le sujet est effectivement devenu d'actualité, car les problèmes relatifs au déficit sont apparus cruciaux, tout comme la recherche d'un certain nombre de financements possibles pour y remédier. Cyril Janvier a évoqué des montants allant jusqu'à 40 milliards d'euros. À la limite, que ce soit 50 milliards ou 35 milliards d'euros importe peu : on sait qu'il s'agit d'une masse importante, corroborée par les études menées dans les pays voisins de la France. On retrouve à peu près, in fine, cette évaluation.

La période récente a donc permis de révéler ce problème, et de faire prendre conscience de son existence à tout le monde, au public comme aux spécialistes des finances publiques. Dans les années passées, en effet, ce n'était pas un sujet que l'on intégrait dans la recherche de recettes ou de moindres « non-recettes ». On considérait presque comme normal qu'il y ait un peu d'évasion.

Ces dernières années ont donc permis de mettre le sujet sur la place publique, même si les finances publiques ne sont pas la chose du monde la mieux partagée ! On pouvait néanmoins le ressentir à travers les interrogations qui nous parvenaient, la meilleure preuve étant que l'on nous a demandé un ouvrage sur le thème. Dans la sphère universitaire, où j'intervenais, beaucoup de questions m'étaient posées sur ce sujet.

Si donc la dernière période a permis une prise de conscience, ce fut sans que de véritables mesures destinées à maîtriser l'ensemble du phénomène soient adoptées pour autant. J'en vois la meilleure preuve - je ne sais pas si Cyril Janvier partage cette analyse - dans le fait que nous n'avons pas senti de modification du mode de fonctionnement des principales institutions chargées d'intervenir dans le contrôle.

Il est vrai que le ministère des finances, même extrêmement performant, a pu être pris par les problèmes liés à la fusion de la DGI et de la DGCP, entre autres. Au moment de dresser la liste de l'ensemble des acteurs, on a tout de même pu constater qu'énormément de services interviennent dans le domaine de la fraude fiscale. Peut-être ne communiquent-ils pas systématiquement entre eux ? Vous aurez une direction concernée uniquement par les problèmes internationaux ; une autre intervenant dans tel autre secteur et ainsi de suite.

Nombre de structures interviennent donc, quelque peu modestes par rapport à l'ampleur de la tâche, qui mériteraient peut-être de faire l'objet de mesures d'organisation afin de synthétiser le tout. J'outrepasse certainement mon rôle, mais, compte tenu de mon expérience, y compris, entre autres, dans les cabinets ministériels, je me rends compte qu'il s'agit là d'une vraie difficulté.

J'ai un ou deux exemples en tête. Je pense notamment à la mise en place du suivi des quelques personnalités qui ne sont pas à jour de leurs versements. Il s'agit surtout d'artistes ou de sportifs qui gagnent d'un seul coup des sommes importantes. Ils font appel à des cabinets de conseil, qui ne sont pas toujours du meilleur conseil, d'ailleurs ! Pour permettre ce suivi, le ministère a dû mettre en place une cellule vraiment particulière, qui faisait la synthèse de l'ensemble des informations, afin de tenter de résoudre les problèmes posés par ce phénomène.

On peut très souvent remédier à cette évasion fiscale, qui peut être voulue ou conseillée, d'ailleurs. En effet, on se rend compte assez fréquemment qu'elle n'est pas le fruit d'une démarche volontaire des intéressés. On leur avait simplement dit que ce serait mieux de faire des placements à l'étranger. Il n'y avait pas nécessairement de volonté de frauder absolument. Toujours est-il qu'il a fallu mettre en place une petite structure, qui aborde l'ensemble des problèmes et s'attache à savoir quels sont les revenus des personnes concernées, comment ces dernières s'y sont prises, quel type d'enquête a été mené sur leurs déclarations, et j'en passe.

Je pense donc que l'administration pourrait peut-être mettre ce sujet à l'ordre du jour, pour essayer d'acquérir une meilleure connaissance du phénomène.

Alors, y a-t-il eu sensibilisation ? La réponse est « oui ». De nouveaux outils ont-ils été mis en oeuvre ? Peut-être que, sur ce point, les parlementaires peuvent intervenir !

Voilà ma réponse à votre première question, monsieur le rapporteur.

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