Intervention de Michel-Pierre Prat

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 7 mars 2012 : 1ère réunion
Audition de Mm. Michel-Pierre Prat et cyril janvier auteurs du « petit dictionnaire de la fraude fiscale »

Michel-Pierre Prat, coauteur du Petit dictionnaire de la fraude fiscale :

Si vous me le permettez, monsieur le sénateur, je tempérerai la dernière partie de votre intervention. Les autres pays développés de l'Union sont confrontés au même type de problèmes. Ils ont travaillé, comme vous-même je suppose, sur ces questions. Certains ont même mis en place des éléments de compréhension presque plus importants que les nôtres. On ne peut donc pas dire que, si la France avançait dans le domaine, elle serait complètement précurseur et que son action nuirait à l'ensemble de nos entreprises.

C'est une idée que l'on rencontre parfois. Nous ne l'avons toutefois pas développée dans l'ouvrage, car nous nous sommes rendu compte que les pays développés confrontés à un manque à gagner du même type que la France - je pense à la Grande-Bretagne ou à l'Italie, pour qui c'est un sujet encore plus important - ont développé des travaux en ce domaine. Je ne parle pas, bien sûr, des pays d'accueil des capitaux, comme le Luxembourg ou la Suisse, qui se gardent bien d'évoquer le sujet !

En travaillant sur notre ouvrage, nous avons ainsi constaté, ce qui m'a d'ailleurs surpris, car je ne m'y attendais pas spécialement ou plutôt n'avais pas d'idées a priori, que d'autres pays avaient avancé sur le sujet. Vous voyez, monsieur le sénateur, cela répond en partie à votre question.

Des travaux sont donc menés en la matière, répondant à une vraie demande. Qu'ils aient abouti ou non à une traduction politique, c'est autre chose ! Je crois néanmoins qu'il existe des sources de progrès en ce domaine, sans que nous soyons pour autant des francs-tireurs isolés. En réalité, c'est un problème qui implique des sommes tellement importantes que tout le monde est amené à s'interroger.

Je voudrais apporter une deuxième précision. Nous nous sommes rendu compte qu'il était, naturellement, nécessaire d'adopter des textes législatifs pour aider à la maîtrise du phénomène. Néanmoins, la matière étant complexe, les administrations financières sont obligées de prendre des mesures par voie de circulaire ou autres qui font le bonheur des spécialistes de la fiscalité. Je crois donc que toute mesure déjà prise ou toute avancée future dans le domaine mériterait de faire l'objet d'un retour sur leur mise en pratique. Ce n'est pas le tout de voter un texte de loi. Il faudrait exiger, deux ou trois ans après son adoption, un compte rendu de la manière dont est traduite la volonté des élus sur le plan réglementaire strict, afin de savoir quelle circulaire, par exemple, a été adoptée et quelles en ont été les conséquences pratiques. Surtout en cette matière, le législateur mériterait d'avoir un retour.

La Cour des comptes s'est d'ores et déjà engagée dans un exercice similaire puisque, comme vous avez pu le lire dans le dernier rapport de la Cour, quand nous formulons une recommandation ou une observation, nous examinons les suites qui leur sont données.

Dans la matière qui nous occupe, je pense que ce serait également utile car certains, évidemment, se cachent derrière l'interprétation du texte proposée dans telle ou telle circulaire pour donner un conseil en matière d'optimisation. Il ne faudrait pas que la pratique des entreprises ou des cabinets de conseil deviennent l'élément de référence sur ce qu'il faut considérer comme la loi. Vous voyez jusqu'où cela peut aller !

C'est parfois ainsi que cela se passe. Nous avons rencontré le cas de figure dans quelques contributions : c'est non plus l'administration qui met en oeuvre le texte voté par l'élu, mais pratiquement les spécialistes qui décident de la manière dont il faut le comprendre. Cela peut arriver.

C'est pourquoi je suggérerais la mise en place de ce retour, en quelque sorte.

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