Si la France dépense 600 millions d'euros, nous ne disposons pas de montants pour les autres pays. Cependant, nous savons que les interventions mises en place par l'Europe pour lutter contre le déplacement du trafic de l'Europe du Nord vers l'Europe du Sud et l'Afrique ces cinq dernières années se sont révélées efficaces.
Le Centre opérationnel d'analyse du renseignement maritime pour les stupéfiants (MAOC-N), structure intergouvernementale réunissant sept pays, dispose d'agents basés à Lisbonne chargés de surveiller le trafic de cocaïne transitant de l'Amérique vers l'Europe, l'Afrique de l'Ouest étant une zone de stockage. Les résultats sont intéressants : 45 tonnes de cocaïne ont été saisies ces trois dernières années. À l'occasion d'une réunion du groupe horizontal « Drogue » à Bruxelles, le directeur du MAOC-N nous a précisé que les trafiquants ne se donnent même pas la peine de dissimuler les paquets de cocaïne sur les navires : les hélicoptères peuvent les apercevoir stockés sur le pont et les photographier. C'est une « autoroute », comme le dit Europol. Elle a été « stoppée », et nous y avons constaté une baisse des saisies l'année dernière. Cependant, nous ignorons si cette baisse est due au fait que les trafiquants sévissent ailleurs ou si la fiabilité des données sur les saisies est relative.
Avec la mise en place du Centre de coordination pour la lutte anti-drogue en Méditerranée (CeCLAD-M), la France a dupliqué cette expérience dans la Méditerranée.
Le pacte européen contre les « routes » de la cocaïne et de l'héroïne, initié par votre ministre de l'intérieur il y a quelques mois, vise à faire travailler ensemble police et justice des pays de l'Union européenne afin de lutter contre le trafic de cocaïne depuis l'Amérique latine, mais aussi d'héroïne en provenance d'Afghanistan. Nous n'avons pas de données fiables, et la lutte n'est pas gagnée. En effet, les saisies de cocaïne dans les Balkans et en Afrique de l'Est sont sans doute la preuve que d'autres « routes » se mettent en place : c'est le « balloon effect ». Cependant, à la suite de la signature du Traité de Lisbonne et de l'adoption de la stratégie de sécurité intérieure, l'Union européenne s'est donné les moyens, y compris financiers, de lutter plus efficacement contre le trafic venant de l'extérieur de l'Union.
Les substances faisant l'objet d'un trafic problématique dans l'Union européenne sont, en particulier, les « legal highs », mais aussi le cannabis, dont l'ampleur de la production nous est inconnue.
En Afrique, le trafic concerne plutôt des pays situés plus au sud que le Maghreb, comme la Guinée et la Guinée-Bissau, cette dernière étant un terrain particulièrement fertile pour le trafic en raison de sa situation sociale dramatique : les établissements pénitentiaires y sont inexistants et le salaire d'un policier se limite à 10 dollars par mois. Des projets européens existent pour cette zone. Néanmoins, comment s'assurer de la fiabilité d'un gouvernement auquel l'Union européenne alloue 4 millions d'euros ? C'est un réel problème.
Dans son action contre les drogues, le Parlement européen pâtit de la diversité de ses couleurs politiques. Les Verts, notamment, réclament une dépénalisation, voire une légalisation, du cannabis. Le Parti populaire européen est, lui, attaché à la question du sevrage et de la réhabilitation des usagers. Le Parlement européen dispose néanmoins de deux armes : premièrement, en matière de programmes financiers, la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, dite « LIBE », peut décider de la nature et de la destination des fonds ; deuxièmement, l'Union européenne achèvera en 2012 son cycle stratégique de huit ans, lequel sera suivi d'une évaluation extérieure permettant de mesurer les résultats de la lutte contre les drogues. Et, grâce à une nouvelle stratégie pour 2013-2020, le Parlement européen sera appelé à jouer un rôle important en établissant des directives.
Deux fois par an à Bruxelles, nous rencontrons nos homologues américains. Avant l'accession au pouvoir de M. Barack Obama, les États-Unis privilégiaient la guerre aux drogues, y compris aux usagers. L'approche de l'administration actuelle est plus équilibrée : elle repose sur une politique axée sur les aspects sociaux et médicaux du phénomène, comme celle défendue en Europe depuis une dizaine d'années, même si quelques différences importantes subsistent, par exemple en matière de réduction des risques.