Intervention de Alexandre del Valle

Commission d'enquête Combattre la radicalisation islamiste — Réunion du 12 décembre 2019 à 9h35
Audition de Mm. Emmanuel Razavi fondateur et directeur de globalgeonews et alexandre del valle géopolitologue consultant et essayiste

Alexandre del Valle, géopolitologue, consultant et essayiste :

Je travaille sur le sujet depuis vingt-cinq ans.

Après la parution de mon premier livre, j'avais participé à un débat contre Tariq Ramadan dans une émission de Thierry Ardisson. J'avais été frappé par sa capacité à la dissimulation et au mensonge, en vous regardant dans les yeux, un peu comme François Mitterrand l'avait fait face à un célèbre homme politique.

J'avais apporté sur le plateau Le licite et l'illicite en islam, le livre de Youssef al-Qaradawi, qui réside au Qatar, mais qui est l'un des idéologues-clefs des Frères musulmans en Europe. Dans cet ouvrage en vente libre en France, il explique clairement comment on doit tuer tous les apostats, les infidèles et ceux qui pratiquent le blasphème. Malek Boutih voulait faire interdire l'ouvrage, avec courage et lucidité. Ni moi ni Rachid Kaci, avec qui j'avais créé un mouvement à l'intérieur de l'UMP, n'avons réussi à convaincre trois ministres de l'intérieur successifs, de tous bords, d'interdire ce livre, dans lequel il est dit également que le djihad n'est pas un devoir collectif, mais individuel. S'il est impossible d'interdire un tel ouvrage, comment voulez-vous ensuite combattre le djihadisme ?

Youssef al-Qaradawi est pourtant considéré comme le chef de l'islam respectable, il forme les imams à Château-Chinon, dirige un institut de la fatwa à Dublin... Je m'oppose à cette distinction entre les Frères musulmans, qui représenteraient un islamisme communautariste, mais respectueux de la légalité, et les méchants djihadistes salafistes. Zineb, par exemple, serait parfaitement assassinable selon les critères définis par le plus grand intellectuel des Frères musulmans.

Il est faux de dire que les Frères musulmans sont contre le meurtre et le djihad. Ils ont juste une grande capacité à nier.

Quand j'étais fonctionnaire stagiaire au Secrétariat général de la défense nationale, je rédigeais des rapports à partir de notes de renseignements. Il était déjà question des salafistes, des Frères musulmans, et je me souviens très bien avoir précisé dans certaines de mes notes que tel prédicateur égyptien ou saoudien était encore expulsable, mais que ses enfants ne le seraient plus.

Les Frères musulmans prélèvent des fonds pour le Hamas, une organisation djihadiste qui envoie des gens se faire exploser dans des crèches. Ils soutiennent également officiellement le djihad au Yémen et en Libye. Avec le Hezbollah et l'Iran, ils ont été les pionniers du djihad suicidaire, avant même Al-Qaïda. Mais leur malice est d'avoir développé une nouvelle théorie pour l'Europe, qui ne serait plus « terre de la guerre », mais « terre de la conciliation » ou « terre du témoignage ».

Dans la tradition sunnite, un territoire qui ne paye pas son tribut au califat est territoire de la guerre. Mais puisque l'Europe accepte l'islamisation sans réciprocité pour les chrétiens dans les pays musulmans, c'est comme si l'Europe payait de facto son tribut. Il faut savoir qu'en Allemagne, en Belgique ou en Autriche, les imams sont payés par l'État. Si l'on réussit plus facilement l'islamisation par la paix que par la guerre, pourquoi faire le djihad ? Le raisonnement est logique.

Certes, de nombreuses organisations proches des Frères musulmans ne sont pas djihadistes ; elles semblent respecter les lois et condamnent le terrorisme dans certaines régions. Mais il suffit de se référer à leurs textes fondateurs pour voir qu'ils n'ont pas renoncé au djihad. Hassan el-Banna, le créateur des Frères musulmans, évoquait déjà la dimension sacrée du djihad. Sayyid Qutb reste la référence suprême de Ben-Laden, d'al-Baghdadi et de tous les mouvements djihadistes, y compris des chiites iraniens proches de Khomeiny.

Une grande partie des pays européens voient les Frères musulmans comme l'organisation leader de l'islam en Europe. Je me souviens d'une discussion ubuesque avec Nicolas Sarkozy, qui m'a expliqué durant une heure tout le bien qu'il pensait de l'organisation. Dans de nombreux pays européens, les Frères musulmans ont pignon sur rue et donnent le ton, notamment dans les lycées islamiques.

Saïd Ramadan, gendre du fondateur des Frères musulmans Hassan el-Banna, père de Tariq Ramadan et pionnier des Frères musulmans en Allemagne et en Suisse, était très lié à des terroristes égyptiens et iraniens et il a toujours prôné la non-intégration des musulmans.

Le but des Frères musulmans est de séparer les communautés, alors qu'il faudrait au contraire aider les musulmans à s'intégrer.

Saïd Ramadan poursuivait une stratégie de « paranoïsation », qui consiste à donner l'impression aux musulmans qu'ils vivent dans un environnement hostile. La fameuse manifestation du 10 novembre dernier découle de vingt ans de stratégie très bien pensée. Il y a bien sûr des cas de racisme, il faut les condamner, mais beaucoup de musulmans me disent qu'ils n'ont jamais senti de racisme d'État en France.

Saïd Ramadan a été missionné pour créer les Frères musulmans en Europe dans les années cinquante et soixante, car la plus grande peur des leaders conservateurs de cet islamisme radical sunnite était qu'un musulman puisse épouser les moeurs mécréantes, qu'il devienne laïc, homosexuel ou libéral. Le Frère musulman a pour unique but de reconstituer le califat, en étendant le règne d'Allah et de la charia sur toute la terre.

En conclusion, il faut interdire cette organisation. On a bien interdit l'extrême droite nazifiante révisionniste. Pourquoi n'interdit-on pas des gens qui font l'apologie d'Hitler ? Youssef al-Qaradawi a déclaré qu'Hitler avait eu raison de corriger les juifs. Nous disposons d'une vidéo où il le dit.

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