Intervention de Alexandre del Valle

Commission d'enquête Combattre la radicalisation islamiste — Réunion du 12 décembre 2019 à 9h35
Audition de Mm. Emmanuel Razavi fondateur et directeur de globalgeonews et alexandre del valle géopolitologue consultant et essayiste

Alexandre del Valle, géopolitologue, consultant et essayiste :

Je suis étonné de ces questions. La Ligue islamique mondiale dispose de 3 000 mètres carrés à Bruxelles, de 2 500 mètres carrés à Mantes-la-Jolie, elle a fait l'objet de notes de tous nos services de renseignement. Tout le monde sait qui est qui depuis des années.

On peut distinguer quatre grands pôles : les salafistes purs et durs, les Frères musulmans, qui sont des salafistes réformistes, les mouvements turcs, notamment le Milli Görüs, qui travaillent partout avec les Frères musulmans, et les organisations indo-pakistanaises comme le Tabligh, pacifiques mais extrêmement intégristes.

Longtemps, la Ligue islamique mondiale a payé le salaire de Saïd Ramadan. Ces mouvances sont concurrentes, mais elles convergent dans l'obsession d'un islam séparé, qui doit se protéger des mécréants. La grande phobie des imams de ces mouvances est qu'une musulmane se marie avec un chrétien. On constate une hybridation. Certains terroristes ont été initialement formés par le Tabligh, un mouvement sectaire mais non violent, puis ils sont passés par les Frères musulmans.

Je qualifierais ces mouvements de totalitaires. Pour différencier l'islam de l'islamisme, j'avais, bien avant François Fillon, parlé de « totalitarisme islamiste », ce qui avait beaucoup choqué Olivier Roy. J'en parle souvent avec Dalil Boubakeur, qui a lui aussi très peur de la montée du totalitarisme islamiste. On peut être très rigoriste dans sa pratique religieuse, mais si cela reste dans un cadre privé, cela ne gêne personne. En revanche, si vous voulez politiser votre religion dans un suprématisme prosélyte qui entend imposer la charia à toute l'humanité, ce n'est plus de la religion, mais du totalitarisme, avec une volonté de contrôle total de la société et l'utilisation, à un moment ou à un autre, de la terreur comme moyen de gouvernement.

Enfin, sur le financement, j'ai longtemps été en procès avec l'organisme de certification halal AVS. Les ministères de l'agriculture et de l'intérieur sont en principe compétents pour désigner les prestataires, mais la loi n'a pas été appliquée. Les Frères musulmans ont voulu avoir un financement autonome, pour ne plus dépendre exclusivement de l'Arabie Saoudite et du Qatar. Il y a eu une vraie « guerre du halal » à Paris et les Frères musulmans se sont imposés sur le terrain, alors que les ministères de l'agriculture et de l'intérieur avaient décidé que seule la mosquée Paris serait habilitée à gérer le halal en France. Nos ministères l'ont accepté. Les Frères musulmans disposent aujourd'hui d'un autofinancement, entre le halal, certains trafics, l'impôt des fidèles et les dons. Les Frères musulmans ont l'obsession du halal, même si la moitié est du faux, car il permet d'opérer un repli communautaire tout en rapportant de l'argent.

Il y a une tolérance absolument honteuse sur le détournement de la loi de 1901 par des associations spirituelles ou qui se livrent à du business. Tous nos politiques le savent.

Nul besoin de voter de nouvelles lois. Il suffirait d'appliquer la législation actuelle pour interdire de nombreux ouvrages, notamment ceux d'al-Jazairi, un salafiste très apprécié des Frères musulmans. Il incite les musulmans à acheter moins de vêtements pour pouvoir acheter des armes !

Avec Rachid Kaci, nous avions porté la proposition d'une charte des musulmans de France. Je suis pour l'islam de France. Il est faux de dire que notre choix se réduit à l'athéisme ou à l'islamisme. Nous devons aider nos compatriotes musulmans français à pouvoir pratiquer leur religion dignement, comme l'avait fait l'Autriche avant l'arrivée des populistes au pouvoir. Les démocrates-chrétiens avaient fait le ménage, ils étaient en train de rédiger une charte pour l'islam autrichien et ils avaient expulsé tous les imams appartenant aux mouvances anti-occidentales, sectes islamiques turques, salafistes durs et Frères musulmans, pour les remplacer par des imams autrichiens payés par l'État. Erdogan a promis des représailles, il n'y en a pas eu. Il ne faut pas se laisser impressionner. Ces pays continueraient à être nos partenaires.

La solution, c'est d'exclure toutes les organisations dont on sait qu'elles sont antisémites, antichrétiennes, misogynes, homophobes, suprématistes, conquérantes, guerrières et qui font l'apologie de l'intolérance et du djihad. Nous les connaissons, c'est très facile.

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