Intervention de Valérie Mancret-Taylor

Mission d'information Lutte contre la précarisation et la paupérisation — Réunion du 16 mars 2021 à 16h00
Habitat privé dégradé — Audition de M. Nicolas Binet ancien directeur de marseille rénovation urbaine mmes joëlle boneu directrice générale adjointe de l'établissement public foncier d'île-de-france epfif et valérie mancret-taylor directrice générale de l'agence nationale de l'habitat anah

Valérie Mancret-Taylor, directrice générale de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) :

Vous travaillez sur les questions de vulnérabilité au sens large et ici plus spécifiquement dans l'habitat.

Je commencerais par relever que les situations de plus grande vulnérabilité sont observées dans le parc privé, et non - comme on le croit souvent - dans le parc social. Plusieurs chiffres illustrent ce constat. Près du quart des allocataires des aides au logement ont un taux d'effort supérieur à 39 % et sont logés dans le parc privé. 65 % des ménages sous le seuil de pauvreté, soit environ 3 millions de personnes sont dans le parc privé et 56 % d'entre eux sont locataires. 80 % des ménages en précarité énergétique, soit 2,9 millions, sont également dans le parc privé, et sont pour deux tiers d'entre eux des propriétaires. 5,5 millions de personnes sont éligibles aux aides de l'ANAH, dont près de 80 % sont logés dans des maisons individuelles. Les concentrations des plus forts taux dans les secteurs ruraux sont notamment identifiés dans des centres anciens et la majorité des régions sont identifiées comme abritant des territoires concentrant de forts taux de précarité, mais l'est de la France et les Hauts-de-France sont plus spécifiquement concernés. Il en va de même dans de grandes agglomérations comme l'agglomération parisienne ou celles de la région Nouvelle-Aquitaine. 400 000 à 600 000 logements sont considérés comme étant indignes dans notre pays. Nous suivons cette situation à travers la mesure de l'indice du parc potentiellement indigne. Enfin, 1,2 million de logements appartiennent à une copropriété fragile. En effet, depuis 2000, les prix de l'immobilier ont connu des augmentations pouvant aller jusqu'à 200 % dans les grandes villes. Les revenus des ménages n'ayant pas suivi, cette situation pose la question de la capacité des ménages modestes et très modestes à pouvoir se loger ou, lorsqu'ils sont propriétaires ou copropriétaires, à pouvoir entretenir le patrimoine individuel ou collectif.

Le parc indigne concerne notamment des copropriétés mais pas uniquement. Le parc privé est néanmoins difficile à appréhender dans la mesure où il concerne précisément des propriétés privées. Depuis la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), l'ANAH tient le registre national d'immatriculation des copropriétés, qui recense un nombre de plus en plus important d'entre elles. Au plan national, en 2015, on estime qu'il y avait approximativement 740 000 copropriétés en France. Au 14 mars 2021, 470 000 copropriétés sont immatriculées. Cet instrument a permis de révéler des constats étonnants. Quasiment 75 % d'entre elles sont de petites copropriétés de moins de onze logements. Un tiers des propriétaires en copropriété sont éligibles aux aides de l'ANAH, soit environ 1 million de ménages. En outre, 75 % des logements occupés par un locataire du privé en copropriété sont anciens et ont plus de 15 ans, soit 2,7 millions de résidences principales. Dans les copropriétés, on observe une répartition assez égale entre propriétaires occupants et propriétaires bailleurs. Les situations des propriétaires occupants et locataires sont plutôt équivalentes, mais leur capacité d'intervention sur le patrimoine commun n'est pas le même.

L'ANAH dispose d'outils pour faire face à cette situation. Elle dispose en premier lieu d'outils d'identification, à partir des fichiers fiscaux et d'autres outils statistiques, qui permettent d'identifier de mieux en mieux les poches de pauvreté en habitat individuel ou collectif. Ces données sont partagées avec les services déconcentrés de l'État. Lorsque les collectivités territoriales souhaitent pousser plus loin cette démarche d'identification sur leur territoire, l'ANAH dispose également d'outils pour les accompagner dans le financement d'études.

Le métier essentiel de l'ANAH est d'accompagner des ménages pour les aider à réaliser des travaux. Ces aides sont décidées au niveau national par le conseil d'administration. Elles sont accessibles partout sur le territoire.

Les programmes de contractualisation avec les collectivités territoriales pour financer des études et de la programmation constituent également une force de l'ANAH. Dans ce cadre, les collectivités territoriales peuvent abonder les aides de l'agence, permettant de faire baisser le reste à charge des ménages et de générer un véritable effet de levier sur la décision des ménages d'engager des travaux de rénovation de logements.

Pour autant, face à des situations extrêmement difficiles de logements dégradés, une volonté très forte des collectivités territoriales est nécessaire. Il convient de mettre en place avec elles de véritables stratégies d'intervention s'inscrivant dans le temps long, car on intervient sur la propriété privée et face à des ménages en situation de très grande vulnérabilité sociale et économique.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion