La question sur l'évolution du parc est très difficile : tout dépend à partir de quand on veut la mesurer.
Sur le traitement du parc de l'habitat indigne en France, et notamment du parc de copropriétés dégradées, les choses ont beaucoup changé depuis la loi ALUR, puis depuis le début de ce quinquennat à travers le plan Initiative copropriétés.
Dans l'après-guerre, le Fonds national pour l'amélioration de l'habitat a été créé en « effet miroir » du ministère de la reconstruction. Dans les années 1970, il est devenu l'Agence nationale de l'habitat. En 2000, celle-ci a intégré les propriétaires occupants qui étaient traités par un autre dispositif. À partir de 2010, l'ANAH a commencé à investir massivement les questions de rénovation énergétique... On peut ainsi raconter l'histoire de l'agence au fil de l'évolution des besoins sociétaux.
Les choses ont beaucoup changé : on a commencé par mettre de l'eau à tous les étages et des salles de bains dans les logements. Aujourd'hui, on traite un autre type d'habitat indigne. Ma réponse va vous paraître sombre, mais je crois qu'il y aura toujours de l'habitat indigne. J'espère qu'il y en aura de moins en moins mais cela représente un « patrimoine refuge ». La copropriété dégradée est le dernier accueil avant la rue.
On traite, au fur et à mesure des époques, des situations différentes dans le parc privé comme dans le parc social. Des ménages vulnérables se retrouvent dans tous les cas dans un habitat qui n'est pas le plus confortable pour eux, au plan social comme au plan économique.
L'ANAH publie régulièrement un mémento de l'habitat privé, que je vous adresserai. Il montre que la situation évolue favorablement dans certains territoires. Cependant, un territoire de désindustrialisation peut révéler petit à petit un patrimoine d'habitat privé de plus en plus dégradé, sur lequel il faudra intervenir. Il y a donc un mouvement constant. Dans les politiques de l'habitat, on parle toujours d'un besoin de production de logements, aussi bien dans le parc privé que dans le parc social, pour pouvoir faire face à l'évolution démographique mais aussi aux évolutions territoriales et immobilières des territoires. Il n'y a pas d'observatoire à proprement parler en dehors de ce mémento.
Nous ne disposons que d'études de terrain puisqu'il s'agit de propriétés privées. Petit à petit, on commence à connaître les copropriétés au travers du registre mais il reste extrêmement complexe d'accéder aux informations.
Sur la question des copropriétés, la puissance publique a un rôle à jouer. Elles n'ont pas été traitées dans le premier programme de rénovation urbaine de l'ANRU. On a commencé par ce qui était immédiatement faisable.
Il y a eu, par la suite, plusieurs plans en faveur des copropriétés. Le dernier, le plan Initiative copropriétés, date de la fin 2018 : il a été présenté à Marseille quelques jours avant les effondrements de la rue d'Aubagne. Porté par l'ANAH au niveau national, il a trois objectifs.
Le premier axe, qui est le plus difficile, est de transformer les copropriétés qui sont dans les situations les plus dégradées vers du parc social. Que l'on reconstruise ou que l'on transforme, il y a un sujet majeur de relogement. Ce sont des copropriétés situées dans des territoires tendus, et qui sont parfois surpeuplées, avec plusieurs familles dans un même logement. En Île-de-France, l'enjeu est de faire en sorte que les travaux urgents de mise en sécurité soient financés au maximum par la puissance publique. À défaut, le risque est de ne pas pouvoir reloger les nombreuses familles d'un grand ensemble, qui s'exposent de surcroît à un accident. À Grigny, nous sommes dans un mixte de transformation et de redressement dans lequel intervient l'EPF en faisant des acquisitions massives dans les copropriétés afin de peser au moment des votes de travaux en assemblée générale.
Le deuxième axe du plan est de redresser. Il s'agit de permettre à des copropriétés, qui vont conserver ce statut, de retrouver de la sérénité et d'assainir leurs comptes, en travaillant sur les impayés de charges et en faisant de la pédagogie auprès des propriétaires, afin de pouvoir financer des travaux d'amélioration.
Le troisième axe, de ce plan, c'est de prévenir. On a pour objectif de traiter plus de 60 000 logements en dix ans. Il faut garder à l'esprit qu'il y existe des copropriétés qui ne sont ni dans des centres anciens de villes petites ou moyennes, ni dans des grands ensembles mais dont on sait qu'elles sont fragiles. On le sait car cela fait des années qu'elles ne votent aucun d'entretien en AG, et donc que, bien qu'elles n'aient à ce stade aucun problème d'impayés ou de dette, leur patrimoine est en voie de se dégrader. L'ANAH possède des dispositifs permettant de faire de la veille et de la pédagogie auprès de ces copropriétés afin qu'elles s'engagent dans un tel cercle vicieux.
S'agissant des copropriétés, et sans entrer dans le détail, l'ANAH a revu un certain nombre de ses aides dans le cadre de ce plan, renforcé de manière générale le panel d'aides spécifiques destinées aux copropriétés fragiles - aides pour les travaux d'urgence et de sécurité, aides à la gestion... En effet, sans la puissance publique, il ne peut rien se passer dans les copropriétés. L'État et les collectivités territoriales doivent mettre en place des stratégies d'intervention conjointes pour générer des effets de leviers sur les décisions des assemblées générales.