Intervention de Pascal Astagneau

Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé — Réunion du 7 juin 2005 : 1ère réunion
Santé publique — Infections nosocomiales - présentation de l'étude

Pascal Astagneau, membre du conseil d'experts :

a tout d'abord remercié les membres de l'OPEPS d'avoir bien voulu lui donner la possibilité de participer à leurs travaux, en précisant qu'il collabore depuis quinze ans à la mise en place des systèmes de lutte contre les infections nosocomiales, dans le cadre notamment de ses responsabilités à l'Hôpital de la Salpêtrière et au C-CLIN de la région Paris-Nord.

Plusieurs questions se posent aujourd'hui au sujet des infections nosocomiales, qui suscitent la peur tant des professionnels de santé, en raison d'une judiciarisation croissante de la société, que de l'ensemble de la société, qui les considère souvent comme une sorte de « nouvelle peste » du XXIe siècle. Il existe donc un devoir d'information vis-à-vis des professionnels et surtout des usagers du système de soins. Beaucoup de données issues d'enquêtes ou de réseaux de surveillance sont disponibles mais la communication à destination du grand public est trop souvent exclusivement négative, comme en témoigne le dernier numéro de l'hebdomadaire Le Point, qui publie une liste noire des hôpitaux. Le véritable enjeu est donc d'essayer de mieux communiquer sur le sujet.

Un premier sujet de réflexion pourrait porter sur la définition même des infections nosocomiales, sur laquelle s'interrogent les experts. Stricto sensu, une infection nosocomiale est une infection acquise à l'hôpital et plus précisément dans les murs d'un établissement de santé. Or aujourd'hui on note un élargissement du champ de la réflexion aux infections acquises en dehors de l'hôpital, par exemple lors de la prise en charge de patients dans des hôpitaux de jour, lors d'une hospitalisation à domicile ou de consultations ambulatoires, à la suite, par exemple, de la pose d'un cathéter ou d'une petite chirurgie dermatologique. Ce premier champ de réflexion, qui n'est pas pris en compte par la définition classique des infections nosocomiales, est encore assez mal connu et peu évalué.

Se pose également le problème des événements iatrogènes, dont la définition renvoie aux conséquences d'un traitement ou d'un acte de soins, mais de nombreuses infections, telles que la légionellose, ne sont pas la conséquence d'un soin mais de la simple présence du patient au sein de l'établissement. Ce phénomène doit pourtant également être pris en compte. Le champ de la définition des infections nosocomiales est donc complexe. L'enjeu est d'obtenir une définition fonctionnelle, qui permette d'engager des actions efficaces pour mieux prévenir les infections nosocomiales et, d'une façon générale, d'améliorer la qualité des soins. Il serait donc pertinent d'engager des recherches sur les infections liées aux soins en dehors des hôpitaux.

Pour ce qui concerne la fréquence des infections nosocomiales, il existe déjà de nombreuses études, qu'il s'agisse de celles de l'Institut national de veille sanitaire (InVS) ou des cinq centres interrégionaux de lutte contre les infections nosocomiales. En particulier, une enquête nationale de prévalence, réalisée tous les cinq ans, donne une bonne idée quantitative du phénomène. La dernière enquête de ce type, réalisée en 2001 sur près de 1 500 établissements de santé, fait état d'une prévalence de 7 % pour les infections nosocomiales. Beaucoup de données sont également disponibles concernant les infections des voies urinaires, respiratoires, du site opératoire, les bactériémies et septicémies, qui ne semblent donc pas constituer des pistes prioritaires d'études.

En revanche, les conséquences des infections nosocomiales, qui présentent un degré variable de gravité, sont actuellement sous-étudiées. Une étude du C-CLIN de la région Paris-Nord, réalisée sur 2 000 personnes, conclut par exemple que si un quart des patients ont une infection nosocomiale au moment de leur décès, moins de 3% des décès ont pour seule cause une infection nosocomiale. Selon une estimation par extrapolation, sur laquelle il faut rester très prudent, il y aurait ainsi environ 4 000 décès par an dus aux seules infections nosocomiales, alors que le chiffre de 10 000 a été souvent avancé depuis quelques années.

On dispose, par ailleurs, d'encore moins d'informations sur le coût économique et le handicap lié aux infections nosocomiales. Des études américaines, dont certaines sont déjà anciennes, établissent pourtant que le coût économique varie en fonction de l'infection, qui s'avère par exemple peu élevé pour les infections urinaires, mais beaucoup plus important pour les septicémies. L'estimation du coût s'appréhende également au moyen du calcul du nombre de journées d'hospitalisation supplémentaires en cas d'infections nosocomiales, soit en moyenne une semaine. Outre le préjudice subi par le patient, ces infections présentent donc un coût réel pour la société, sur lequel il n'existe pas encore d'évaluation en France et qui constitue donc une piste d'étude intéressante pour les travaux de l'office.

Les handicaps causés par des infections nosocomiales constituent un autre sujet difficile, qui recouvre principalement les infections ostéo-articulaires chroniques. Ce type d'infection, mis en lumière il y a quelque temps à la clinique du sport, a fait prendre conscience de l'importance du sujet et de la nécessité d'ouvrir le débat avec les usagers du système de soins, dans un contexte de judiciarisation croissante et de médiatisation de graves accidents, tels que celui de Guillaume Depardieu, même si la contamination par le Mycobacterium xenopi constitue une épidémie assez exceptionnelle. Sur ce point, les données de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) relatives aux recours en indemnisation peuvent constituer une source précieuse d'information, même si on note un nombre beaucoup plus important de recours que d'indemnisations.

L'évaluation de la qualité des soins et l'accréditation des établissements de santé font également partie des thèmes à aborder. La prise en compte du risque infectieux est en effet l'un des critères de la nouvelle version de l'accréditation des établissements. Cette question a d'ailleurs déjà été évoquée par l'office lors de sa réunion du 9 mars dernier. Qu'en est-il en effet actuellement de l'évaluation des risques et de la réalisation d'audits des pratiques ? Les établissements doivent rendre compte de leurs actions dans ce domaine, à travers, par exemple, l'élaboration et le suivi sur plusieurs années d'indicateurs de qualité présentés dans un tableau de bord, qui permettrait notamment d'évaluer l'observance et le développement des bonnes pratiques.

Il pourrait être enfin intéressant de faire réaliser un sondage d'opinion sur la perception par les Français de ce problème, puisqu'il semble exister une divergence d'appréciation à ce sujet avec les professionnels de santé. Le sondage permettrait notamment de savoir si la question est considérée comme étant suffisamment prise en compte par les pouvoirs publics.

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