J'aborde maintenant la dernière partie de notre exposé relative au lien entre les infrastructures linéaires de transports et la compensation en tant que telle.
Notre club n'a pas vocation à coordonner les entreprises membres dans la gestion de leurs mesures de compensation et dans le conventionnement qui peut, le cas échéant, être mis en place. Nous sommes un club qui a pour but de partager les bonnes pratiques afin qu'elles soient diffusées dans ces entreprises. Cette expérience nous permet de vous formuler quelques recommandations pour une compensation plus efficace à effort égal à la suite desquelles Anne Guerrero vous présentera certains enseignements clés en matière d'organisation dans nos structures.
En ce qui concerne nos propositions, un premier volet est relatif à la temporalité de la mise en oeuvre de la compensation. Nous pensons qu'il serait opportun de conditionner une partie de la compensation à la réalité des impacts sur le terrain. Aujourd'hui, la dette écologique est calculée en amont sur des impacts évalués, mais n'est jamais révisée en fonction de la réalité des impacts effectifs. Il arrive, dans un certain nombre de cas, que les impacts soient réduits après évaluation, notamment en phase de chantier.
La loi précise que nous devons compenser avant la survenue des impacts, alors qu'en réalité c'est extrêmement compliqué. Les projets sont, en effet, longs et complexes et les autorisations relatives à la biodiversité sont délivrées juste avant le démarrage des chantiers puisqu'il s'agit souvent des derniers visas administratifs. Pour autant, certains exemples concrets nous montrent ces dernières années que certaines compensations peuvent être anticipées. Cela fonctionne très bien par exemple pour les mares de substitution à destination des amphibiens qui sont construites avant la destruction des mares d'origine. Il pourrait être intéressant de cibler ces anticipations sur des habitats prioritaires, relevant, par exemple, du régime Natura 2000 ou sur des espèces prioritaires, comme celles présentes sur les listes rouges UICN, par exemple.
Nous constatons que, d'un point de vue spatial et biogéographique, les mesures de compensation ne sont pas toujours cohérentes avec les schémas globaux de cohérence et de continuité écologique. Nous souhaiterions que cela soit le cas pour éviter un mitage de ces mesures au gré de la disponibilité du foncier. Il faudrait insérer ces données dans une trame. L'UICN avait formulé ce souhait dans son rapport de 2014 à la suite du séminaire que nous avons évoqué afin de passer d'une logique de compensation au cas par cas à l'identification d'un projet cohérent. Il manque, pour cela, un architecte, un opérateur de la trame verte et bleue au niveau local pour organiser le processus. Si les trames vertes et bleues ont été identifiées il n'existe pas pour autant d'opérateur en charge de leurs réalisations et de la cohérence de certains projets, dont la compensation.
Sur le plan naturaliste, nous avons besoin d'objectiver la méthode de définition des équivalences écologiques, qui consiste à comparer les pertes de biodiversité et les gains que la compensation génèrera. Nous sommes, à l'heure actuelle, démunis en termes de doctrine ou de méthode et chaque bureau d'études définit la sienne comme il le souhaite. Nous mentionnons les travaux de l'IRSTEA, soutenu par EDF sur ce sujet. L'idée serait de sortir de la prédominance de la méthode surfacique, pour laquelle la prise en compte d'un facteur de risque conduit à surajouter des surfaces de compensation. Cet ajout est arbitraire d'une part, et on ne réduit pas pour autant la surface en cas de succès des mesures, d'autre part. Une telle réduction pourrait réserver les terrains finalement soustraits à d'autres mesures de compensation. Une optimisation des critères et des ratios pourrait aider à sortir de cette méthode du « tout surfacique ».
La déclaration d'utilité publique (DUP) est un outil intéressant. Notre souhait n'est pas d'y inclure tous les sites de compensation car il est souvent impossible de les définir à ce stade du projet mais il pourrait s'agir d'un vrai levier pour des sites accolés à l'infrastructure. Or c'est aujourd'hui impossible en l'état du droit, ce que nous regrettons, même si nous comprenons bien que l'expropriation ne peut pas systématiquement être utilisée à des fins de compensation environnementale.
Nous nous posons enfin la question de la maîtrise d'ouvrage réelle des mesures de compensation relatives à un projet. Est-ce véritablement à nous de devoir organiser ces mesures alors que nos compétences en la matière sont limitées ? Un transfert organisé par le législateur à un maître d'ouvrage public, comme celui en charge de la trame verte et bleue, pourrait être envisagé. C'est exactement ce qui existe pour le réaménagement foncier et agricole puisque les conseils départementaux possèdent la maîtrise d'ouvrage des aménagements qui compensent les conséquences des impacts d'un projet d'infrastructure sur le parcellaire agricole et forestier. Cette maîtrise d'ouvrage se fait sur la base d'une contribution financière du maître d'ouvrage de l'infrastructure impactant.