Intervention de Patrick Chauvet

Commission des affaires européennes — Réunion du 30 mars 2022 à 9h05
Agriculture et pêche — Pacte vert et autonomie alimentaire de l'union européenne au regard de la guerre en ukraine - examen de la proposition de résolution européenne

Photo de Patrick ChauvetPatrick Chauvet :

Il aura fallu la Covid-19 et cette guerre dont on souhaite tous et toutes qu'elle se termine au plus vite pour se souvenir que l'agriculture a une vocation nourricière et alimentaire. Il ne s'agit pas d'une question d'opportunité et il faut d'ailleurs essayer de se déconnecter de la conjoncture pour examiner cette question qui est structurelle.

Je remets en cause en l'espèce la stratégie européenne « De la ferme à la fourchette ». N'ayons pas la mémoire courte : dans les années 1990, des jachères de 5 à 10 puis à 15 % ont été mises en place. Un taux de 15 % en macroéconomie, c'est à tomber à la renverse ! En même temps, l'Amérique du Sud déforestait d'autant... Le bilan environnemental, si l'on sort de nos frontières européennes, n'est pas très heureux.

L'OMC et la stratégie du flux tendu constituent également un sujet. En économie, on dit que les stocks coûtent cher, mais regardez ce que nous coûte aujourd'hui le flux tendu... Il faut savoir financer des stocks. La Chine, en faisant fi des recommandations de l'OMC, a fait de larges stocks, parce qu'elle a connu les famines il y a encore pas si longtemps.

Se posent aussi des enjeux géopolitiques. Le réchauffement climatique a des conséquences encore plus dures dans les pays pauvres. L'Europe, qui a la chance d'avoir un potentiel agronomique fort, a une responsabilité en la matière.

Arrêtons d'opposer économie et environnement : les deux peuvent être pris en compte. Il faudrait aussi remettre de l'humain dans la question alimentaire. La petite musique de l'autonomie, de l'autosuffisance, de la baisse des intrants qu'on entend parfois est assez égoïste : d'un point de vue géopolitique, on sait que les pays qui n'auront pas l'autosuffisance alimentaire « généreront » soit des conflits, soit des flux migratoires importants.

Le réchauffement climatique entraîne des conséquences aussi chez nous. La France a la chance d'avoir un littoral plus épargné que d'autres par les effets du réchauffement, mais la situation est terrible dans certains pays. La Tunisie connaît déjà des problèmes alimentaires : quand il fait 48 degrés pendant plusieurs semaines, il n'y a plus rien. On ne peut pas ne pas réagir !

Je suis très favorable à la proposition de résolution. Le sujet mérite peut-être un débat plus large, mais il y a urgence.

Nous souhaitons tous que la guerre s'arrête le plus vite possible, mais je ne voudrais pas que cette réflexion fasse aussitôt « pschitt ». Car elle reviendra sous d'autres formes, par le biais soit d'incidents climatiques, soit de conflits.

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