Intervention de Philippe Campinchi

Mission d'information Conditions de la vie étudiante — Réunion du 29 mars 2021 à 15h20
Table ronde sur le logement des étudiants

Philippe Campinchi, délégué général de l'Association interprofessionnelle des résidences étudiants et services (Aires) :

Le segment du secteur du logement étudiant que représente l'Aires repose sur des offres en résidences dédiées d'habitat social et/ou privé - aujourd'hui, l'exigence de mixité répond à une demande des territoires et des établissements visant à renforcer leur attractivité.

L'offre disponible dans le parc des résidences dédiées est de 375 000 logements, soit 14 % du logement étudiant. Selon des chiffres gouvernementaux, 896 des 3 358 résidences existantes sont exploitées par les Crous, 2 490 par les autres exploitants ; autrement dit, 6 % des étudiants sont logés dans les 175 000 logements des Crous, 2,2 % dans les 60 000 logements du parc social et 5,1 % dans les 140 000 logements du parc privé des résidences dédiées. Les offres de logement étudiant en habitat social se sont particulièrement développées ces dix dernières années, 58 % des logements étant exploités hors Crous. L'habitat étudiant privé se répartit entre des logements construits par des investisseurs particuliers, qui ont mobilisé leur épargne populaire via des dispositifs fiscaux, et des investisseurs « en bloc ».

Trois remarques sur l'habitat privé. Premièrement, la présence d'étudiants boursiers dans les résidences privées est trop souvent occultée. Deuxièmement, le profil type des 100 000 Français qui investissent dans les résidences pour étudiants ne correspond pas à la France des grandes fortunes, mais à celle des classes moyennes. Troisièmement, les résidences pour étudiants ne sont pas produites en Corée et les 10 000 emplois du secteur ne sont pas délocalisables au Maroc.

Il n'existe aucune base de données nationale sur les loyers étudiants. Nous pouvons simplement dégager des tendances générales. J'en citerai quatre. Premièrement, le montant maximal de la garantie Visale agit positivement sur le montant des loyers. Deuxièmement, les résidences conventionnées appliquent la réglementation du logement social. Troisièmement, la crise du covid-19, freinant l'arrivée d'étudiants internationaux, a entraîné, dans les résidences qui accueillaient principalement des étudiants américains ou chinois, une baisse des loyers. Quatrièmement, dans le parc privé, lorsque l'offre augmente, les loyers suivent une tendance à la baisse.

L'offre de logements pour étudiants est structurellement insuffisante. Elle ne permet ni d'accompagner la démocratisation de l'enseignement supérieur ni de développer de nouvelles mobilités, qu'elles soient liées au succès d'Erasmus ou à celui de l'apprentissage dans le supérieur. En quinze ans, le rythme universitaire a profondément évolué. Pour répondre à ces nouveaux enjeux, les parlementaires avaient inventé, en 2017, un dispositif dérogatoire et expérimental autorisant le court séjour. Un rapport devait être remis au Parlement en janvier 2020, ce qui n'a toujours pas été fait. Cette situation incompréhensible agit comme un facteur d'insécurité juridique et économique pour les exploitants.

C'est le nombre de logements plus que l'accès à l'information qui manque aujourd'hui ; certains spécialistes évoquent un manque de 250 000 logements. L'Aires sera toujours aux côtés des étudiants et de leurs organisations, dont la première d'entre elles, la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE), pour dire que les APL sont insuffisantes.

Deux questions cruciales devraient faire l'objet de mesures simples : celle du mois de carence et celle de l'égalité de traitement entre les résidences conventionnées. Les règles ne sont ni transparentes ni justes. À loyer égal, un étudiant ne reçoit pas le même montant selon qu'il fait une demande d'APL pour une résidence conventionnée gérée par le Crous ou pour une résidence conventionnée gérée par une association.

L'impact positif des aides fiscales de l'État contribue à l'égalité territoriale des conditions d'étude des étudiants, sachant que les investisseurs en bloc, institutionnels ou non, hésitent à aller à Nevers ou Limoges ; ce sont donc les particuliers qui se mobilisent pour nos villes moyennes.

Pour les exploitants, la situation est préoccupante sans être dramatique. En mars 2020, nous nous étions insurgés contre les propos de Mme Frédérique Vidal qui avait suggéré aux étudiants de quitter leur résidence universitaire, laissant croire que les résidences, qui sont leur habitat principal, n'étaient pas des lieux sécurisés. Cette crise a révélé que les étudiants apprécient les résidences, qui sont pour eux un écran de protection.

Le niveau des impayés s'est stabilisé, mais certaines situations ne trouvent aucune solution. Le Gouvernement n'a pris, pour amortir ce choc, aucune mesure de portée générale à destination des étudiants : en matière de logement, de simples mesures partielles, qui ne concernent que les Crous. L'Aires a décidé de travailler à la création d'un fonds de dotation pour aider les étudiants hébergés dans le parc des résidences hors Crous.

Aujourd'hui, la détresse sociale étudiante constitue une urgence vitale. La crise étudiante ne touche pas seulement les 6 % de jeunes logés au sein du parc des Crous. C'est la nation étudiante tout entière qui a besoin du soutien de la République. Or le pilotage du logement étudiant est en panne ; il a perdu en 2019 toute dimension interministérielle, et nous sommes confrontés à un fonctionnement en roue libre sans impulsion ni régulation. Chaque année, des objectifs sont fixés, des crédits réservés ; les objectifs ne sont pas atteints et les crédits ne sont pas tous consommés. Année après année, on recommence en appelant à la mobilisation... Pour avancer, il serait opportun d'instaurer une médiation comme outil de recours entre l'État et les parties prenantes. L'Aires a donc demandé qu'une mission d'urgence sur ce sujet soit confiée à des parlementaires.

Vous nous interrogez sur le foncier universitaire. Un protocole d'accord a été signé en octobre dernier entre la CPU, l'Union sociale pour l'habitat (USH) et le Cnous ; ni Action Logement, ni l'Aires, ni la Conférence des grandes écoles, ni l'AVUF n'ont été sollicités. Qui peut croire que la gestion du logement étudiant puisse reposer sur le seul opérateur public ? Il faut une mixité de solutions d'hébergement pour répondre à des besoins divers. Refuser de le comprendre, c'est l'échec assuré.

Enfin, il est temps de reconnaître les spécificités des résidences pour étudiants, et nous espérons que votre rapport apportera une pierre à l'édifice. La crise du covid-19 est une invitation à moderniser certaines règles. Ainsi faudrait-il ériger internet et les espaces de coworking au rang de services fondamentaux ; ainsi faudrait-il traiter enfin la question des charges et des prestations - je fais référence au III de l'article L. 442-8-1 du code de la construction et de l'habitation -, dont les dénominations varient en fonction des exploitants.

L'Aires a retenu quatre propositions majeures : création d'un foncier dotationnel ; financement des espaces collectifs ; établissement d'un plan global de déploiement de réseaux de fibre optique dans les résidences ; développement de la construction industrielle comme réponse à la crise. Il nous paraît impératif également de renforcer le pouvoir d'achat des étudiants en valorisant l'engagement ou l'emploi étudiants dans les résidences et en impliquant le service civique dans l'accompagnement au logement.

Peut-on rêver de résidences satellites de l'université ou de grandes écoles ? Ne pourrait-on pas imaginer que les résidences deviennent partie intégrante de « campus augmentés » ? Cette hypothèse ne paraît pas aussi fantaisiste qu'on pourrait le croire. Si les exploitants de résidences n'ont pas vocation à pallier tous les manquements des établissements d'enseignement supérieur, ils sont les mieux placés pour offrir des lieux et des espaces complémentaires - ceux qui le souhaitent pourraient même développer des ressources propres afin d'augmenter leur attractivité.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion