Intervention de Ségolène Royal

Commission d'enquête Concessions autoroutières — Réunion du 9 juillet 2020 à 14h00
Audition de Mme Ségolène Royal ministre de l'écologie du développement durable et de l'énergie de 2014 à 2016

Ségolène Royal :

Vous avez raison d'être surpris, car ce témoignage ne correspond pas à la réalité. Tout cela s'est passé il y a un certain temps. Il est normal que tout ne soit pas forcément très précis dans l'esprit de ceux qui viennent devant vous. Vous imaginez bien qu'une décision de blocage des tarifs de péages d'autoroute est prise par le Premier ministre. Il existe d'ailleurs un communiqué de Matignon sur ce sujet, daté du 27 janvier, et que j'ai sous les yeux. Vous connaissez le discours des sociétés concessionnaires d'autoroutes, qui n'ont jamais intérêt à entrer dans une négociation puisque les contrats de concession sont très déséquilibrés en leur faveur. Elles refusaient donc, depuis les premiers rapports de la Cour des comptes, de rejoindre la table des négociations.

Pour les y contraindre, il fallait prendre une décision. Le 27 janvier au matin, le Premier ministre réunit le groupe de travail de quinze parlementaires de la majorité et de l'opposition. Il leur promet de les tenir régulièrement informés des discussions engagées par le Gouvernement avec les concessionnaires. Permettez-moi de citer le communiqué : « [Ce groupe de travail] devra examiner les deux scénarios envisageables, soit la renégociation des contrats de concession, soit la résiliation de ces contrats d'autre part. Le Premier ministre souhaite qu'un point d'étape soit fait à la fin de février. Dans l'attente de l'aboutissement de ces travaux, le gouvernement a décidé de surseoir à l'application de la hausse des péages, prévue contractuellement le 1er février. Il prendra des arrêtés à cette fin ».

Les choses se sont ensuite déroulées assez rapidement, comme je l'ai constaté en faisant quelques recherches sur Légifrance pour préparer cette audition. Un arrêté est publié au Journal Officiel le 27 janvier 2015, signé par le ministre de l'Économie, le ministre des Transports et moi-même, après un arbitrage de Matignon. Miraculeusement, les sociétés concessionnaires d'autoroutes reviennent alors autour de la table, non sans émettre quelques menaces : « vous avez intérêt à céder », disent-elles à l'État, « car cela va vous coûter plus cher dans un contentieux ». Je les ai invitées à introduire un contentieux si elles le jugeaient fondé. Elles n'ont jamais attaqué l'arrêté. L'État aurait donc pu rester en position de force.

Ce ne fut pas le cas, car, comme le note la Cour des comptes, il n'avait ni les moyens ni la rigueur requise pour faire face à la pression exercée par les sociétés concessionnaires d'autoroutes, qui ne veulent pas laisser échapper le trésor qu'elles ont entre les mains. Elles allaient obtenir non seulement un rattrapage du gel des péages de 2015 mais également un sur-rattrapage - assez scandaleux - à la faveur d'un taux d'actualisation particulièrement avantageux. Je tiens à redire ici que l'État avait parfaitement le droit d'inclure dans la négociation le blocage de la hausse des tarifs, d'autant plus que l'inflation était très faible.

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