Intervention de Édouard Geffray

Mission d'information Culture citoyenne — Réunion du 20 janvier 2022 : 1ère réunion
Audition de M. édouard Geffray directeur général de l'enseignement scolaire au ministère de l'éducation nationale de la jeunesse et des sports

Édouard Geffray, directeur général de l'enseignement scolaire au ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports :

Au primaire, les élèves reçoivent un livret de compétences prenant notamment en compte le respect des autres et les capacités d'interaction, sans faire l'objet d'une évaluation aussi formelle qu'une interrogation écrite au collège ou au lycée. Certaines compétences sont ainsi identifiées de manière autonome dans les bulletins et sont évaluées par le professeur.

L'EMC est à 90 % pris en charge, dans le secondaire, par les professeurs d'histoire-géographie, historiquement importants pourvoyeurs en la matière, tandis que l'EMI est souvent assuré par des professeurs documentalistes.

L'EMC trouve aussi à s'exprimer hors des cours, notamment par des concours et événements stimulant l'engagement des élèves, comme des projets pédagogiques et des visites de lieux de mémoires ou d'institutions. Cela participe de l'appropriation d'une histoire, qui est une condition de la conscience civique.

Pour aborder la partie concernant les professeurs, il y a la formation à l'EMC proprement dite, et celle aux valeurs de la République, qui connaît un nouvel élan, comme vous l'avez vu avec l'audition de M. Obin.

Je commence par cette dernière. Par construction, le professeur est l'un des premiers visages de la République pour un enfant, et c'est sa mission et sa noblesse d'en incarner les valeurs. Il y a donc un plan de formation, initiale et continue. Pour la formation initiale, tous les masters métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation (MEEF) comporteront un module minimal de trente-six heures consacré aux principes et aux valeurs de la République. Cette formation trouve un écho dans les modalités de recrutement des professeurs : à compter des concours pour l'année 2022, l'une des épreuves orales d'admission consistera en un entretien destiné notamment à apprécier la capacité du candidat à s'approprier et à partager les valeurs de la République et les exigences du service public.

Pour la formation continue, un plan, dit « plan de formation des mille », a été créé. Plus de 1 000 formateurs sont concernés, à raison de dix jours de formation. Ils en ont déjà suivi quatre depuis septembre, puis en suivront deux par semestre jusqu'en janvier 2023. Parmi eux, une centaine, sur la base du volontariat, suivra une formation sanctionnée par un diplôme universitaire consacré aux valeurs de la République, notamment à la laïcité, à hauteur de 120 à 150 heures de formation. Les frais d'inscription sont à la charge de l'Éducation nationale. Les universités de La Sorbonne et de Cergy, en particulier, le dispensent.

L'enseignement est solide et bénéficie de la contribution de personnalités reconnues, comme Dominique Schnapper, qui préside le Conseil des sages de la laïcité.

Ces 1 000 formateurs devront former l'intégralité de leurs 1 100 000 collègues, de toutes catégories, au cours des quatre prochaines années, et dans la mesure du possible de manière inter-catégorielle. Cette formation a débuté en décembre. Entre 250 000 et 280 000 personnes devront être formées chaque année, soit 1 700 000 journées stagiaire, à raison de 1,5 journée par personne, sur quatre ans.

Cela se fait sans préjudice de la formation - initiale et continue - à l'EMC de nos professeurs. Des formations continues sont aussi proposées dans le cadre des plans académiques de formation aux professeurs sur les thématiques EMC. La question est de savoir jusqu'où s'étend l'EMC. J'ai une conception large de l'EMC et ai tendance à considérer que les formations relatives à la lutte contre toutes les discriminations, contre la haine anti-LGBT ou pour la défense des principes de la République, font partie des compétences que le professeur peut utilement convoquer dans le cadre de l'EMC.

J'en viens à votre question sur les outils et les ressources documentaires. La Cour des comptes dénonce, à juste titre, une abondance. La première raison à cela est incrémentale : les équipes créent des ressources qui s'ajoutent à celles qui existaient déjà, d'où un foisonnement.

Certaines ont été produites à destination des professeurs et viennent actualiser le corpus sur les valeurs républicaines. Certaines publications, peu nombreuses mais denses, sont ainsi à disposition : c'est le cas du vade-mecum sur la laïcité à l'école, créé en 2018 et régulièrement mis à jour, et du guide républicain, publié à la fin du mois d'août 2021 et distribué dans toutes les écoles et tous les établissements scolaires. Existe aussi un parcours d'autoformation.

Pour les ressources pédagogiques, nous visons à rationaliser les ressources sur Éduscol, qui est l'espace ressources des professeurs, avec deux ou trois millions de visiteurs uniques par mois. Nous avons récemment refondu et structuré ce site pour faciliter les recherches des professeurs.

Ensuite, s'agissant des principes et valeurs de la République, nous avons demandé au Réseau Canopé de restructurer son site. Le nouveau site devrait être livré d'ici à mars. L'idée est que toutes les ressources puissent être trouvées au même endroit et de façon facilitée.

Le troisième outil consiste en des vade-mecum pédagogiques, qui dressent un état des lieux de ce qui se fait de mieux en matière de recherche et de pratiques sur le sujet. Un vade-mecum sur l'EMI est en cours d'élaboration et sera publié prochainement.

Vous m'avez aussi interrogé sur l'engagement. Sa première dimension est celle d'une valeur qui caractérise la jeunesse contemporaine : les jeunes ont soif d'engagement, indépendamment de notre volonté de le valoriser. Par exemple, durant le confinement, des dizaines de milliers de jeunes se sont engagés au service de leurs aînés. Autre exemple, en matière d'environnement, nous avions lancé les écodélégués, sur proposition du Conseil national de la vie lycéenne (CNVL) : cela concerne 250 000 jeunes. Par ailleurs, 500 000 jeunes sont délégués de classe dans les collègues et lycées. Cet engagement est aussi structuré : les collégiens et lycéens sont ainsi représentés dans les conseils de vie collégienne et les conseils de vie lycéenne, mais aussi au CNVL, qui porte la voix des lycéens et que le ministre a vu hier soir.

On observe aussi d'autres formes d'engagement, comme les ambassadeurs. S'agissant de la lutte contre le harcèlement, l'Éducation nationale les forme dans le cadre du programme de lutte contre le harcèlement à l'école (pHARe) : tous les collèges y participeront d'ici à la fin de l'année. Ces ambassadeurs étaient 23 000 en novembre 2021, contre 10 000 en 2020.

On trouve enfin des dispositifs comme les cadets de la République, ceux de la sécurité civile ou encore les classes de défense et de sécurité globales.

Les jeunes prennent du temps pour découvrir des institutions et s'engager au service des autres.

Comment cet engagement est-il reconnu ? Tout d'abord, il apparaît dans le bulletin scolaire et, au brevet, dans le « parcours citoyen », qui est l'un des quatre choix possibles pour l'oral. Il figure aussi dans le livret scolaire du lycée et trouve donc une traduction dans Parcoursup.

Il y a encore d'autres types d'engagements, tels les chorales - entre un tiers et la moitié des collèges sont concernés -, les sports ou encore le journal du lycée. Les élèves peuvent les faire valoir dans Parcoursup, mais aussi en vue de leur insertion professionnelle. L'engagement permet de se préparer à cette dernière, et sa reconnaissance par l'institution est un avantage supplémentaire.

Votre dernière question portait sur la réserve citoyenne, créée en 2015, qui permet à toute personne d'apporter gratuitement son concours à l'Éducation nationale autour de thématiques comme les valeurs de la République, l'éducation aux réseaux sociaux, la lutte contre le harcèlement, etc. Elle compte 6 670 réservistes, dont 30 % de retraités et 70 % d'actifs. Ces réservistes interviennent dans les établissements sous le contrôle de ceux-ci. En 2020-2021, la pandémie a eu pour effet de mettre un frein à ces interventions, mais le rythme habituel est de 500 à 600 interventions par an dans les écoles et dans les collèges, sachant que certaines peuvent mobiliser plusieurs réservistes en même temps.

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