Intervention de Youssef Chiheb

Commission d'enquête Combattre la radicalisation islamiste — Réunion du 3 décembre 2019 à 17h00
Audition de M. Youssef Chiheb professeur associé à l'université paris 13 directeur de recherche au centre français de recherche sur le renseignement

Youssef Chiheb, professeur associé à l'université Paris 13, directeur de recherche au Centre français de recherche sur le renseignement :

Certaines associations qui travaillent sur le processus de désendoctrinement ou de déradicalisation ne font pas l'objet des critiques que je formulais à l'égard des associations culturelles, territorialisées, situées dans les zones urbaines sensibles, par exemple. C'est une nuance à prendre en compte.

Ces associations ont commencé un réel travail, qui a un impact très important. Mais elles ciblent un public déjà tracé par les services de renseignement ou par le Centre national d'assistance et de prévention de la radicalisation (CNAPR).

Je parle quant à moi de la société dans sa globalité. Comment peut-on déconstruire le concept d'islam radical ? C'est un travail d'universitaire et de spécialiste, qui demande beaucoup de temps. Il faut réexpliquer aux jeunes ce qu'est l'islam, et travailler en amont sur la déconstruction des mythes, des prêts-à-penser et des caricatures de cette religion. Mais il faut continuer à soutenir les associations qui soustraient des individus à cette radicalisation. Je n'ai pas travaillé de manière très approfondie sur ces questions. Mais lorsque j'ai eu à consulter le travail de Mme Dounia Bouzar ou de M. Patrick Amoyel, j'y ai senti de l'improvisation, de l'opportunisme et de l'exploitation de la détresse de l'État.

Monsieur le sénateur, vous avez parlé de voeu pieux. Je suis un universitaire, je ne suis pas un politique. Je ne fais pas de politique. Bien sûr, des contournements se feront par Internet - c'est déjà le cas, d'ailleurs. Mais il faut que la France envoie un message clair. C'est un message politique.

J'ai travaillé dans mon ouvrage sur les 60 prédicateurs évoqués selon un canevas précis : que pensent-ils du terrorisme ? Que pensent-ils de la radicalisation en France ? Que pensent-ils de l'affaire Charlie Hebdo ? Que pensent-ils de la liberté de culte ? Or toutes ces questions précises ont trouvé des réponses extrêmement inquiétantes. Ce sont des gens qui combattent la France ; il faut assumer cette réalité. Il n'est donc pas interdit, via les réseaux diplomatiques, de dire au moins à ces prédicateurs de respecter notre souveraineté et de ne pas dresser les citoyens contre leur pays. C'est tout ce que je voulais dire.

Comment faut-il le faire ? Je l'ignore. Je sais que des intérêts sont en jeu, qu'il y a la raison d'État. Je sais que mon discours peut atteindre un plafond de verre, car je touche à des choses qui me dépassent. Mais il faut prendre cette réalité très au sérieux. Pourquoi ces prêcheurs n'attaquent-ils pas des pays comme la Grande-Bretagne, l'Espagne ou l'Italie ? Pourquoi ce phénomène est-il spécifique à la France ?

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