Plus de mille incidents avaient déjà été relevés par l'enquête conduite par notre syndicat en 2011 ; en 2017, 39 % des 1900 pharmaciens sondés déclaraient une rupture permanente de dix à vingt lignes de médicaments, et 27 % recensaient vingt à trente incidents dans leur pharmacie. Ce phénomène ne s'est donc pas réduit, en dépit des dispositions qui ont été prises au cours des cinq ou six dernières années. L'ANSM vient de relever 530 MITM en rupture d'approvisionnement, soit une augmentation de 30 % par rapport à 2016. Les pharmaciens passent 25 minutes en moyenne chaque jour à trouver des solutions en cas de rupture.
Les choses ont malgré tout progressé pour la transparence de la situation. Les laboratoires qui fabriquent les médicaments les plus sensibles et sans alternative thérapeutique doivent tenir des engagements de stock minimum et doivent déclarer les ruptures de long terme à l'ANSM. Cela permet aux professionnels de santé de prendre des dispositions avec le patient de manière anticipée.
En revanche, les microruptures sur la fin de la chaîne d'approvisionnement - entre le laboratoire, le grossiste-répartiteur et le pharmacien - n'ont pas été réglées. On observe un jeu de défiance des acteurs. Les laboratoires soupçonnent les grossistes-répartiteurs d'exportations parallèles ; ceux-ci s'en défendent, mais revendiquent aussi la liberté de circulation des marchandises en Europe. Pour éviter cette perte de revenus, les laboratoires limitent l'approvisionnement des grossistes, d'une manière qui n'est jamais conforme aux besoins réels des pharmaciens et des patients : cela contribue à créer des difficultés, notamment en fin de mois.
Les pouvoirs publics avaient proposé une liste de médicaments interdits d'exportation parallèle, mais ce texte n'a jamais été publié. En effet, les laboratoires trouvent cette liste trop courte, alors que les grossistes la trouvent trop longue. Il y a donc, en tout état de cause, un manque de transparence dans la fluidité de l'approvisionnement.
Imposer la transparence, voilà ce qu'il faut faire, car elle conduira à la vertu. Chaque acteur de la chaîne doit être obligatoirement connecté au portail « DP-Ruptures » - aujourd'hui géré sur une base volontaire- et l'alimenter. Il nous faut pouvoir retracer le devenir de chaque boîte de médicament, et, dès lors qu'un incident dure plus de trois jours, pouvoir comprendre l'origine de la rupture.
Les dépositaires sont souvent montrés du doigt en ce qu'ils contribueraient à la déstabilisation du marché. Ils doivent être soumis aux mêmes règles de transparence que les autres acteurs ; seulement ainsi pourra-t-on juger de leur responsabilité sans les stigmatiser indûment.
Les ruptures de stock dégradent l'image de la chaîne de distribution pharmaceutique auprès des patients. Ils ne peuvent comprendre comment de tels incidents peuvent se produire dans un pays aussi organisé que le nôtre - alors même que nous essayons par ailleurs d'améliorer l'observance des traitements. C'est une autre raison de réparer cette chaîne, qui est pourtant performante.