En 2008, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a reçu 44 signalements de rupture ou de risque de rupture d'approvisionnement ; en 2013, elle en a reçu 453, notamment pour des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur. C'est une augmentation très marquée, mais il faut également prendre en compte les évolutions législatives et réglementaires. Dès 2012, une première série de mesures obligeait les industriels à déclarer les ruptures d'approvisionnement et à mettre en place des centres d'appel ; en 2016 a été introduite l'obligation pour les fabricants de définir des plans de gestion de pénurie pour les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur, dont la mise en place est suivie par l'ANSM et assortie de sanctions en cas de non-respect du plan. Cela permet d'anticiper les risques de rupture, notamment liés à un arrêt volontaire de production ou à un problème survenu dans la chaîne de production.
Ces chiffres doivent s'analyser aussi dans un contexte de mondialisation de la production et de la commercialisation des médicaments, avec des sites, voire des établissements en cours de regroupement mais aussi une chaîne de production vulnérable et complexe, notamment pour les vaccins, et soumise à divers aléas de fabrication. Ce n'est pas un phénomène propre à la France, c'est pourquoi il convient de multiplier les rapprochements au niveau européen pour partager les solutions envisagées.
Le coût des pénuries pour l'assurance-maladie ne peut pas être évalué précisément pour le moment. Les facteurs de coût sont la nécessité d'importer les médicaments qui ne sont pas produits sur le territoire national, mais surtout la gestion de la pénurie, qui représente un coût pour l'ANSM chargée de cette gestion, pour les établissements de santé contraints de mettre en place des procédures ad hoc, pour les administrations qui doivent informer les établissements, les agences régionales de santé (ARS) et les professionnels. Nous essaierons de vous donner des informations chiffrées sur ce point.
Les mesures prévues dans la loi « Santé » 2016 ont été mises en place en janvier 2017, ce qui nous donne un recul limité pour leur évaluation. Nous avons néanmoins commencé la réflexion, aux côtés de l'ANSM, en sollicitant également le LEEM (Les Entreprises du médicament) sur son ressenti vis-à-vis des plans de gestion. Un premier bilan partiel a néanmoins été établi par l'ANSM sur une vingtaine d'antibiotiques. Il apparaît que les plans de gestion des pénuries mis en place par les industriels mériteraient une harmonisation, ou du moins un échange sur les attendus. Faut-il établir un plan de gestion-type ou simplement un guide pratique de gestion des pénuries ? La question n'est pas encore tranchée et les réflexions se poursuivent.
La France tente faire partager ses positions au niveau européen. L'ANSM a participé à un groupe de travail de l'Agence européenne des médicaments (European Medicines Agency - EMA), réfléchissant notamment à la question de l'exportation parallèle des médicaments par les grossistes-répartiteurs. La DGS a eu l'occasion de présenter les plans de gestion mis en place en France en novembre 2016 à Bratislava, lors d'une conférence consacrée aux ruptures d'approvisionnement. La définition d'une pénurie, d'une rupture d'approvisionnement ou d'un médicament d'intérêt thérapeutique majeur varie en fonction des États. Les plans de gestion des pénuries, qui ne sont qu'un élément de notre dispositif, ont été salués comme une avancée lors de cette conférence.
Les pénuries de médicaments feront partie des thèmes évoqués dans le cadre des travaux préparatoires au prochain Conseil stratégique des industries de santé (CSIS), présidé par le Premier ministre, qui aura lieu la semaine prochaine.
Je ne peux à ce stade vous apporter de réponse concernant les dispositions législatives et réglementaires qui pourraient être prises. L'ensemble des acteurs, les industriels comme les autorités compétentes, s'approprient le dispositif. De ce point de vue, un changement des règles serait peut-être prématuré.