Je vous remercie tout d'abord de nous avoir conviés à cette série d'auditions sur l'insertion des mineurs enfermés et, plus largement, au vu des questions que vous m'avez transmises, sur la justice pénale des enfants et des adolescents.
Je tiens à excuse Jérôme Voiturier, directeur général de l'Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (UNIOPSS), qui n'a pu être parmi nous, mais que nous représentons. Nous sommes en effet membres du conseil d'administration de l'UNIOPSS, avec laquelle nous travaillons en étroite liaison.
Quelques mots sur la Fédération. Nous regroupons 150 associations qui emploient 45 000 salariés en France, qui travaillent quotidiennement au carrefour d'un ensemble de politiques publiques - action sociale, médico-sociale, protection de l'enfance, insertion, logement.
Nous défendons comme vous l'avez dit le développement de mesures à fort contenu éducatif visant à la réinsertion de l'auteur d'infractions, qu'il soit mineur ou majeur, au plus près de sa problématique et ce à tous les stades de la procédure, en alternative aux poursuites, en présentenciel, en postsentenciel et parfois même en dehors du judiciaire.
Nos 150 associations disposent d'un budget d'environ 1,2 milliard d'euros et elles accompagnent 350 000 citoyens adultes et adolescents dans le champ judiciaire. Nous sommes organisés en trois commissions nationales. La première traite essentiellement du présentenciel des majeurs, la deuxième s'occupe du postsentenciel majeur et la troisième, dont je suis la conseillère technique, prend en charge la justice des enfants et des adolescents.
Ces commissions sont de véritables laboratoires d'idées, de réflexions et d'échanges, en prise directe avec le terrain. Nous faisons appel à des directeurs généraux, à des directeurs de service, à des éducateurs, à des experts en fonction des thématiques que nous traitons, ainsi qu'à nos partenaires que sont l'administration pénitentiaire, la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), les magistrats, qui sont souvent conviés à nos travaux, l'éducation nationale, les missions locales, les maires, les conseils départementaux, etc.
Nous mélangeons ainsi les visions « micro » et « macro », les fonctions, les secteurs public et associatif, afin que nos idées soient les plus complémentaires possibles et encore une fois adaptées aux réalités du terrain.
Nous travaillons également avec nos adhérents à la construction d'un cadre et de référentiels relatifs à la mise en oeuvre la plus efficiente possible des mesures qui nous sont confiées, et nous nous nourrissons également des recherches et des actions que nous menons auprès de nos adhérents, notamment dans le cadre de la justice restaurative.
La Fédération est également un centre de formation référencé Datadock, avec un numéro d'agrément qui permet une prise en charge au titre de la formation professionnelle. Nous avons obtenu, pour la deuxième fois consécutive, le certificat de qualité professionnelle OPQF pour quatre années supplémentaires.
Quelques chiffres concernant la justice des enfants et des adolescents : en 2017, nous avons formé 177 salariés et avons réalisé 56 formations sur ces thématiques. Le taux de satisfaction a oscillé entre 88 % et 100 %.
En matière de justice restaurative, nous faisons partie des quatre organismes de formation officiels cités comme tels dans la circulaire du 15 mars 2017.
La seconde question du questionnaire que vous nous avez fait parvenir portait sur les principales mesures mises en oeuvre par notre Fédération au profit des mineurs et nous demandait notre avis concernant les dispositifs offrant un intérêt au regard de l'objectif de réinsertion.
Historiquement, la commission nationale Justice des enfants et des adolescents représentait plus particulièrement les services de réparation pénale à destination des mineurs et les alternatives aux poursuites - rappels à la loi, stages de citoyenneté, formations civiques, travaux non rémunérés, etc. Nos associations adhérentes gèrent également des maisons d'enfants à caractère social (MECS), des foyers à simple ou double habilitation pénale et civile, mais également des mesures du milieu ouvert, comme la réparation pénale, des mesures judiciaires d'investigation, des séjours de rupture. Certaines gèrent des centres éducatifs fermés. Cela nous permet d'avoir une vision globale de la protection de l'enfance.
Nous avons ouvert depuis quelques années notre champ de réflexion au-delà de la réparation pénale et des mesures alternatives aux poursuites pour réfléchir à la justice des enfants et des adolescents dans sa globalité, en défendant le sur-mesure et l'adaptabilité de la réponse à la problématique du jeune à un moment donné.
Nous insistons sur l'importance de se décentrer de l'acte commis, sans pour autant nier la responsabilité de l'auteur vis-à-vis de l'acte dont il doit prendre conscience, le pénal n'étant pas le civil et inversement.
Ce travail peut être réalisé en intrajudiciaire ou en extrajudiciaire, en accompagnement direct ou indirect via la construction de partenariats institutionnels ou même d'entreprises citoyennes. Il faut encourager selon nous ces partenariats et la complémentarité de tous les acteurs oeuvrant au service de la jeunesse.
Vous l'aurez compris, il n'existe pas pour nous une mesure plus utile qu'une autre. Nous pensons que c'est bien la palette et la richesse des dispositifs en présence, la gradation des réponses pénales, mais aussi la qualité du partenariat - secteur public PJJ, secteur associatif, conseils départementaux, droit commun - qui pourront, demain, apporter une réponse adaptée aux besoins de chaque jeune, en fonction de sa situation à un moment donné.
Il faut cesser de placer les jeunes dans des dispositifs qui ne leur conviennent pas ou qui ne leur conviennent plus. Il faut au contraire adapter les mesures à chacun. Une alternative aux poursuites pourra suffire à un jeune, alors qu'un autre aura besoin d'une mesure de réparation pénale, à la frontière entre l'éducatif, le rétributif et le restauratif, d'un placement en famille d'accueil ou dans un centre de jour plus ou moins qualifiant, dans un service d'appartement en foyer de jeune travailleur, d'un accompagnement dans une maison d'enfants, un foyer plus cadrant, ou d'un séjour de rupture en centre éducatif fermé (CEF).
Il ne faut rien s'interdire, utiliser toute la palette à notre disposition, ou la créer si elle fait défaut, afin que chaque territoire puisse proposer aux jeunes la réponse qui convient à leur situation.
De la même façon, un jeune sortant à dix-huit ans de CEF ou de centre éducatif renforcé (CER), pour qui la figure du juge est importante, devrait faire l'objet au départ d'une protection judiciaire pour les jeunes majeurs. Il est incohérent de le placer dans le cadre d'un contrat jeune majeur financé par le conseil départemental : c'est encore trop tôt.