Intervention de Sophie Diehl

Mission d'information réinsertion des mineurs enfermés — Réunion du 18 juillet 2018 à 16h45
Audition de Mme Sophie Diehl conseillère technique « justice des enfants et des adolescents » à la fédération des associations socio-judiciaires citoyens et justice

Sophie Diehl, conseillère technique « justice des enfants et des adolescents » à la Fédération des associations socio-judiciaires Citoyens et Justice :

Cela me paraîtrait en effet très pertinent.

Je vais vous citer l'exemple du service de la Fondation Maurice Gounon qui travaille auprès des jeunes en errance. Pour le directeur de ce service, « répondre à des problématiques de vécu abandonnique et de carence affective pourrait passer par la proposition d'un cadre structurant et sécurisant, un hébergement et une formation. »

Or c'est justement à ce moment-là que ces jeunes rejettent ce type d'accompagnement. L'objectif fixé par ce service n'est donc pas du tout de les faire sortir de leur errance, mais de l'organiser - ce qui peut être choquant au premier abord. L'équipe cherche à s'adapter à chaque instant à la situation dans laquelle se trouve le jeune, jusqu'au moment où celui-ci est prêt à aller un peu plus loin, à concevoir un projet plus élaboré.

Nous trouvons bien sûr ce projet très intéressant. Nous ne prétendons pas cependant qu'il faut cloner ce service. Ce n'est pas « la » réponse, mais une réponse parmi d'autres. Il fait partie de « pépites » territoriales qu'il faut accompagner et financer. Il convient de redonner au secteur associatif les moyens d'innover et de créer des dispositifs territoriaux proposant différents types de prise en charge capables d'accrocher le jeune et de l'amener vers un lendemain possible en tant que citoyen inséré dans la société, et ce en respectant son rythme.

À cet égard, nos idées rejoignent celles de la PJJ. D'ailleurs, nous sommes à peu près d'accord sur tout. Je crois que l'ensemble des acteurs partagent ce diagnostic et se retrouvent dans la façon de répondre à cette problématique.

Je vous rappelle que l'objectif premier de la PJJ, tel qu'il est inscrit dans l'annexe au projet de loi de finances pour 2018, est de répondre « à l'obligation pour la PJJ de développer et de diversifier les réponses en mutualisant tous les moyens utiles - secteur public, secteur associatif, dispositifs partenariaux - pour favoriser la construction de parcours adaptés pour les mineurs délinquants ». On ne peut pas mieux dire.

Le problème vient du fait que nous faisons tout le contraire aujourd'hui : le dispositif global diversifié est sacrifié sur l'autel des CEF. Je vous invite à regarder les chiffres. Le placement éducatif diversifié au pénal a diminué de 39 % entre 2010 et 2018, au profit notamment de l'augmentation du nombre de placements en CEF.

En comparaison, nous sommes passés de 2010 à 2018 de 300 000 journées financées à seulement 180 000 journées, soit une baisse de 120 000 journées et de 16,8 millions d'euros pour le placement éducatif diversifié.

Sur la même période, les CEF sont passés de 97 000 journées financées à 130 00 journées, soit une augmentation de 33 000 journées et 12,7 millions d'euros supplémentaires. Résultat : moins de jeunes accompagnés, dans des structures moins diversifiées, moins adaptées et plus stigmatisantes : un jeune qui sort de CEF garde une étiquette dont il lui est difficile de se débarrasser, et pour un coût beaucoup plus important.

Pour rappel, le prix de journée d'un placement en hébergement dit conjoint est compris entre 180 euros et 200 euros, contre 600 euros en fourchette basse pour les CEF.

Bon nombre d'établissements associatifs diversifiés, qui peuvent pour certains accueillir encore des jeunes au civil et au pénal, se recentrent sur le civil et se rapprochent du conseil départemental, qui rechigne de son côté à abandonner son leadership sur ces places. La PJJ, même si elle veut les récupérer, est en difficulté dans les territoires - surtout si elle ne dispose pas de financement.

Il est difficile de renouer avec ces établissements qui se sont tournés massivement vers les conseils départementaux. Il est donc aujourd'hui pour la PJJ très compliqué au niveau local de réinvestir ces placements délaissés depuis le tournant du « tout pénal ».

Par ailleurs, outre la baisse drastique des placements diversifiés, on assiste également à la baisse de l'activité des services de réparation pénale en milieu ouvert. Le secteur associatif a disparu de six départements depuis 2009 et le nombre de mesures qui lui sont confiées a chuté de 34 % depuis 2008, créant une iniquité des réponses sur l'ensemble des territoires.

Nous sommes ici au coeur de la prévention secondaire et tertiaire et, pour autant, nous sommes de moins en moins audibles, pas assez chers peut-être - nous représentons seulement 3 % du budget associatif de la PJJ. Lorsqu'on l'interroge sur ce problème, la PJJ est une nouvelle fois d'accord avec notre diagnostic. La directrice de la PJJ nous a même indiqué dans un courrier que la réparation pénale « participe à la prévention de la récidive des adolescents inscrits dans une trajectoire délinquante et répond en cela aux priorités de la stratégie de prévention de la délinquance ». Par ailleurs, cette mesure « paraît souffrir d'une certaine confusion et d'une insuffisante valorisation ». Un groupe de travail devait se pencher sur la complémentarité entre le secteur public et le secteur associatif sur chaque territoire. Mais on a le sentiment aujourd'hui que l'ouverture de vingt CEF est le seul projet de la PJJ.

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