L'enseignement catholique a un a priori positif sur les expérimentations. Pour l'expérimentation préalable à la réforme des lycées, 54 de nos lycées avaient été labellisés lycées expérimentaux sur environ 1 500. Nous avions reçu entre 200 et 220 demandes de labellisation. Ce goût naturel pour l'expérimentation tient à une appétence traditionnelle pour l'innovation : nous sommes attachés à l'amélioration des solutions pédagogiques ; nous aimons également la prise de risque et avons le sens des responsabilités. Enfin, nous apprécions le travail en équipe, à condition qu'il soit piloté par un chef d'établissement qui l'accompagne et le favorise.
Je recense quatre conditions optimales pour que l'expérimentation puisse finalement conduire à changer les pratiques :
- laisser les équipes libres d'innover : il ne faut pas normer l'expérimentation à l'avance, mais laisser les équipes imaginer des solutions nouvelle ;
- laisser le temps aux équipes d'expérimenter : s'il doit être validé a posteriori par l'autorité académique dans une démarche de type contractuel, le protocole d'expérimentation ne doit pas être imposé par l'extérieur mais construit par les équipes, qui ont besoin de temps pour le faire ;
- prendre le temps de l'évaluation de l'expérimentation : ce temps est difficilement compatible avec le temps gouvernemental et la culture du résultat rapide ;
- prendre le temps du transfert et de l'adaptation de l'expérimentation : si une solution retenue à un endroit peut être modélisée, elle doit cependant être réadaptée pour être mise en oeuvre ailleurs.
Au niveau des lycées, je ne suis pas certain qu'il existe un lien entre les expérimentations menées en 2009 et 2010 dans les lycées et ce qui a été décidé in fine.
Pour nous, la difficulté réside dans le lien trop systématiquement établi entre expérimentation et réforme. Comme son nom l'indique, la réforme appelle une formalisation. Or pour qu'une réforme puisse se dérouler sereinement, la formalisation ne doit pas avoir lieu avant l'expérimentation, mais après en avoir tiré les conclusions. Sont en cause les expérimentations que je qualifie d'expérimentations « alibis », qui ne servent qu'à justifier des choix posés en amont, pour des raisons de communication politique. Cette pratique discrédite complètement l'expérimentation, de trois manières possibles :
- l'appel à l'expérimentation peut provoquer une situation de blocage, les équipes refusant de servir de caution à une réforme dont elles ne savent pas - ou savent trop - ce qu'elle sera ;
- l'expérimentation peut être un leurre, consistant en réalité à mettre en évidence des initiatives anciennes ;
- enfin, l'expérimentation peut avoir lieu dans des établissements atypiques, « modèles », rendant sa généralisation peu envisageable.
Pour nous, l'expérimentation est une méthode de travail et un instrument de pilotage renouvelé du système éducatif. Le niveau critique de la décentralisation en matière scolaire est celui de l'établissement, même si je ne conteste pas la nécessité de décentraliser la compétence de l'État vers les collectivités locales, ou de l'administration centrale vers les rectorats.
Nous sommes fondamentalement convaincus que le système éducatif n'est pas réformable par le haut. Cela suppose :
- la confiance dans les équipes éducatives autour d'un chef d'établissement ;
- une allocation de moyens globale dans le cadre de conventions entre l'autorité académique et l'établissement ;
- une évaluation régulière des résultats débouchant sur un réajustement des objectifs et une réallocation des moyens en fonction des résultats.