La fondation IFRAP a pour mission d'évaluer les politiques publiques. Sa vision est très extérieure car elle ne bénéficie que de financements privés. Je vais vous faire part d'une recherche que nous sommes en train de réaliser, susceptible d'ouvrir quelques perspectives dans ce débat.
Notre étude vise à comparer les dépenses annuelles agrégées de l'État, des collectivités territoriales, des parents et des entreprises, par élève, entre les secteurs public et privé en France. Ce type d'étude n'a jamais été mené auparavant. Elle se base notamment sur les chiffres RERS (Repères et Références Statistiques) disponibles au ministère.
Nous partons du postulat que les résultats obtenus par le public et le privé sont comparables. Dans le premier degré, le secteur public dépense en moyenne 5 469 euros par an et par élève, alors que le privé n'en dépense que 3 443. Il conviendra, par la suite de l'étude, d'analyser les causes de cet écart de 2 026 euros. Dans le second degré, la dépense globale collective se monte en moyenne à 9 989 euros dans le public et à 7 201 euros dans le privé. Cet écart de 2 788 euros nous paraît considérable et il me semble nécessaire de mettre en place des indicateurs beaucoup plus fins dans la LOLF (loi d'orientation des finances publiques) pour analyser le coût des élèves dans le public et le privé. Si les quatre milliards d'euros de dépenses d'administration ne sont pas compris dans ces coûts, les dépenses d'investissement le sont.
La comparaison globale hors investissement n'a pas pu être établie. Elle l'a en revanche été au niveau des départements, comme nous le verrons ensuite.
Des comparaisons par région ont également été effectuées, sans pouvoir distinguer fonctionnement et investissement. Nous avons du mal à comprendre comment se décide le niveau de dépense. Alors que certaines régions comme le Limousin dépensent plus de 4 000 euros par élève et par an dans le public, le coût est inférieur à 700 euros dans le privé. Nous ne comprenons pas comment se font les choix politiques menant à de telles disparités par région, par élève et par an, et entre le public et le privé. Il nous semble que si le système est très centralisé par certains aspects, il existe des normes de dépenses totalement laxistes, laissées à la discrétion des décideurs locaux. Aux Pays-Bas, il existe un tarif par élève ; je souhaiterais savoir s'il est normalisé.
Enfin, au niveau des départements, si nous sommes parvenus à isoler les dépenses de fonctionnement, nous n'avons en revanche pas pu comparer les secteurs public et privé. D'un département à l'autre, les dépenses de fonctionnement sont très hétérogènes. Par exemple, le Cher a dépensé 1 478 euros annuels par élève en 2008 alors que le Loir-et-Cher n'a dépensé que 375 euros.
Il faut s'interroger sur la décentralisation, la France étant le pays le plus centralisé dans sa gestion de l'éducation. Mais dans le dernier rapport de l'OCDE, il est rappelé que la décentralisation a sans doute occasionné des pertes d'économies d'échelle. Par exemple, avoir donné aux régions la responsabilité des lycées et aux départements celle des collèges a probablement augmenté les dépenses publiques quand les deux établissements sont situés sur un même site géographique, en raison de problèmes de coordination entre ces deux collectivités. La clause générale de compétence mérite d'être questionnée pour parvenir à une gestion plus efficiente, dans le contexte difficile de la France en matière de dépenses publiques.
Il nous faut comprendre pourquoi un élève du privé peut être amené jusqu'au bac avec des dépenses tellement moindres que celles du public.
En conclusion, ne serait-il pas possible de s'inspirer de bonnes pratiques du privé ? La règle des 80/20, selon laquelle 80 % des moyens sont alloués au public et 20 % au privé ne devrait-elle pas être redéfinie ? Ne serait-il pas possible d'envisager la gestion de collèges ou de lycées en délégation de service public ? Se pose enfin la question de la transparence. Les écarts de dépenses entre le public et le privé mériteraient un examen de la Cour des comptes car nous ne savons pas les expliquer.