Intervention de Bruno Le Maire

Mission commune d'information sur Alstom — Réunion du 8 mars 2018 à 13h45
Audition de M. Bruno Le maire ministre de l'économie et des finances

Bruno Le Maire, ministre :

Je maintiens qu'il est indispensable de baisser la fiscalité sur le capital pour encourager l'investissement dans les entreprises hautement capitalistiques. Quant aux impôts de production, je reste convaincu qu'ils sont trop lourds et pénalisent la compétitivité de notre industrie. Aussi avons-nous lancé, pour la première fois, un examen de tous les impôts de production qui pèsent sur les entreprises.

Je suis attaché aux pôles de compétitivité, que j'ai créés avec Dominique de Villepin. Il faut les renforcer, les rassembler et faire en sorte qu'ils soient aussi opérationnels et efficaces que possible.

Sur Alstom : les parlementaires qui le souhaitent pourront consulter l'accord au ministère de l'économie. Nous tiendrons une première réunion du comité de haut niveau de suivi des accords Siemens-Alstom le 22 mars. Je la présiderai moi-même, comme je m'y étais engagé : je tiens toujours mes engagements. Ce sera l'occasion de rencontrer à nouveau la direction, Henri Poupart-Lafarge et Joe Kaeser, ainsi que les syndicats. Je crois à cet accord entre Siemens et Alstom et je veillerai personnellement au respect des engagements pris sur l'activité, sur l'absence de départs contraints, sur le niveau d'emploi global et sur le niveau d'investissement en recherche et développement en France. Il n'y a pas de risque de doublon, car les technologies sont différentes : le placement des moteurs sur les rames n'est pas le même, notamment. De plus, contrairement à Bombardier, Siemens n'a pas un seul site de production en France dans le secteur du ferroviaire.

Ne nous voilons pas la face : les décisions prises par l'administration américaine sur les tarifs de l'acier et d'aluminium auront un impact direct sur nos activités en France et en Europe. L'augmentation de 25 % du tarif de l'acier et de 10 % de celui de l'aluminium va conduire à des surcapacités qui afflueront vers l'Europe, où elles feront baisser les cours, ce qui aura un impact sur notre outil de production. J'ai donc décidé de réunir tous les acteurs du secteur sidérurgique en France : Arcelor, Vallourec, Ugitech... J'examinerai directement avec eux dès la semaine prochaine les conséquences sur nos sites de production d'acier et d'aluminium des décisions prises par administration américaine. Cela nous permettra aussi d'engager une discussion avec la Commission européenne, chiffres à l'appui, sur les mesures de réponses nécessaires. Le Président la République effectuera un déplacement à Washington les 23 et 24 avril prochains : inutile de vous dire que ce sujet risque d'être à l'ordre du jour des discussions.

Nous devons redéfinir la place de l'État dans l'économie. Le rôle de l'État actionnaire, c'est d'abord celui des services publics. Je crois profondément au service public. La SNCF, par exemple, est un magnifique service public. Quand on croit au service public, on prend les décisions nécessaires pour le transformer et lui permettre de réussir l'ouverture à la concurrence et surtout pour qu'il rende un meilleur service aux clients - car les usagers de la SNCF sont des clients, qui ont le droit à un service de qualité. Cela vaut aussi pour EDF, qui est en train de transformer ses activités en développant massivement les énergies renouvelables.

En deuxième lieu, l'État actionnaire doit être présent dans des secteurs stratégiques, où notre souveraineté est en jeu ; je pense par exemple au secteur de l'énergie nucléaire. Chacun peut comprendre que dans ces secteurs stratégiques, l'État a une place à occuper.

Enfin, le rôle de l'État actionnaire, c'est aussi de garder une capacité d'intervention lorsque des déséquilibres sont manifestes et qu'il faut réagir face à des décisions du secteur privé qui seraient injustes ou iniques.

En revanche, ce n'est pas le rôle de l'État que de recueillir régulièrement des dividendes au lieu d'investir dans l'avenir des Français. Nous demanderons prochainement les autorisations législatives nécessaires pour céder un certain nombre d'actifs de l'État. Ces cessions, nous les ferons, avec le Premier ministre et avec le Président de la République, au moment que nous jugerons pertinent, et à notre rythme. Nous les ferons en fonction de la qualité des projets industriels qui nous seront proposés, en veillant aux intérêts patrimoniaux de l'État et avec pour objectif principal le financement de l'innovation de rupture, c'est-à-dire la préparation de l'avenir des Français.

Si on veut résister à la Chine, il faut être capable de dire non à certains investissements et oui à d'autres. Nous travaillons, avec Jean-Yves Le Drian, à la demande du Président de la République, à l'élaboration d'une vraie doctrine, fondée sur un principe de stricte réciprocité.

Quant à l'usine 4.0, elle reste avant tout une usine. Tous ceux qui rêvaient d'une industrie sans usines ont vendu du vent aux Français : l'industrie, ce sont des usines, et il y a de la beauté, de la grandeur, du savoir-faire et de la technologie dans les usines.

L'usine de L'Oréal, par exemple, est robotisée, exceptionnellement moderne, elle intègre toutes les hautes technologies : elle traite en direct les données de vente à Shanghai ou en Corée, notamment, pour y adapter son rythme de production. Il n'empêche qu'au-delà de cette technologie, qui abolit la frontière entre industrie et services, il y a aussi des femmes et des hommes qui testent la qualité des produits, qui effectuent la maintenance des robots, et qui jugent au nez de la qualité des parfums qui sont vendus. Bref, l'humain garde toute sa place dans une usine.

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