Intervention de Serge Simon

Commission d'enquête sur la lutte contre le dopage — Réunion du 16 mai 2013 : 1ère réunion
Table ronde « dopage et libertés publiques »

Serge Simon, président de Provale (Union des joueurs de rugby professionnels) :

Je vous remercie de m'accueillir devant cette commission dont je souhaitais depuis longtemps la mise en place. J'ai créé et dirigé le centre d'accompagnement et de prévention pour les sportifs (CAPS) au CHU de Bordeaux, qui héberge l'antenne médicale de prévention du dopage (AMPD). Je préside le syndicat des joueurs de rugby professionnels et suis secrétaire général de la fédération nationale des associations et des syndicats de sportifs (FNASS). Médecin et ancien sportif de haut niveau, j'estime bien entendu que la lutte contre le dopage est nécessaire, mais pas pour les raisons qui sont habituellement invoquées. Se concentrer sur les raisons sanitaires, c'est faire fausse route, car l'enjeu de santé publique est souvent dissocié du risque objectif. En France, le tabac cause 60 000 morts par an ; l'alcool tue plus de 50 000 personnes par an et voit sa consommation tolérée, voire valorisée alors que la consommation de cannabis, indirectement responsable de 230 décès, est réprimée dans la mesure où elle pose problème à la société. Je ne pose pas de jugement de valeur, j'observe simplement que l'identification d'un problème de santé publique tient à d'autres facteurs que le seul risque objectif, d'ordre structurel ou culturel. Autre exemple : le paludisme concerne 500 millions de personnes et tue un million de personnes par an, sans déclencher de mobilisation comparable à celle qui a suivi la pandémie de H1N1, qui a tué 18 500 personnes en 2009.

Pour le dopage, le risque objectif est très difficile, voire impossible à évaluer, les études de mortalité et de morbidité étant inexistantes. Quant au périmètre de la consommation de produits dopants, il n'est même pas défini. Les seuls chiffres disponibles sont ceux des contrôles de l'agence française de lutte contre le dopage (AFLD) : sur 10 000 prélèvements, seuls 200 ont donné des résultats anormaux dont 30 % du fait du cannabis. Pourtant, la réaction de la société au dopage est très vive car il affecte un idéal sportif fait de passion et d'exemplarité. Là réside le véritable moteur de la lutte antidopage, d'où une politique qui tient davantage de la course à la répression qu'à l'efficacité. Il faut apporter une vision réaliste, lucide, pragmatique à la lutte contre le dopage, pour sortir du diktat de l'émotion, du cercle vicieux fondé sur l'idée que le sport est profondément touché, que les sportifs sont tous dopés, mettre à distance l'injonction d'agir, pour prendre le temps de la réflexion, d'études factuelles. La course à la répression vise à démontrer la détermination. L'argument de santé publique n'est qu'un habillage. La lutte contre le dopage doit être plus raisonnée, se libérer de la pression médiatique, du marketing de l'idéal sportif, pour s'occuper des réalités des sportifs.

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