Je suis très heureux que les sportifs puissent se faire entendre. Je préside la FNASS qui représente environ 4 000 sportifs professionnels et j'assure la coprésidence du l'Union nationale des footballeurs professionnels (UNFP), ayant moi-même été footballeur professionnel pendant 19 ans. J'ai aussi été adjoint au maire de Metz chargé des sports et de la jeunesse. La FNASS regroupe actuellement cinq disciplines : le rugby, le handball, le basket, le cyclisme et le football.
Nous sommes évidemment favorables à une lutte intensive contre le fléau du dopage. Elle doit être renforcée de façon plus intelligente par moins de localisation individuelle dans les sports collectifs et par plus de contrôles sur les lieux d'entraînement et de compétition. Avec 10 130 contrôles en 2009, 10 500 en 2010 et 9 500 en 2011, la lutte bat son plein et les sports collectifs en ont largement pris leur part. Mais combien de cas de dopages avérés ont-ils été mis en évidence par tous ces contrôles ?
Nous souhaitions revenir sur certains propos tenus lors de vos auditions précédentes. Tout d'abord, pour rappeler qu'une infraction à la législation antidopage ou des résultats d'analyses anormaux ne sont pas synonymes de cas de dopage avérés. Ensuite, lorsque le sénateur Alain Néri laisse entendre que les athlètes des sports collectifs ne souhaitent pas être soumis à des contrôles inopinés, c'est en fait tout le contraire. Nous sommes complètement en faveur de ces contrôles, tout en souhaitant qu'ils soient réalisés sur le lieu de travail - nous passons huit à dix heures par jour dans nos clubs - et non au domicile. Il n'est pas tolérable non plus pour des sportifs d'entendre le directeur des contrôles de l'AFLD, M. Jean-Pierre Verdy, affirmer qu'il aimerait procéder à davantage de contrôles sur les animaux car « eux, au moins, ne peuvent pas dire non ». Pour M. Verdy, un sportif devrait donc tout accepter, y compris de ne pas pouvoir s'opposer à une réglementation ; il n'aurait d'autre choix que de donner son consentement.
Nous ne pouvons pas non plus accepter les contrôles pour ciblage décrits par M. Genevois ; leur légalité n'est pas établie dans la mesure où le décret qui doit les mettre en oeuvre n'a toujours pas été adopté et où le groupe de travail peine à communiquer sur ses travaux.
Nous contestons aussi la proposition du président de la fédération de l'athlétisme qui, comme solution à la triche dans le sport, n'envisage rien de moins que la levée du secret médical ! Les sportifs ne sont pas des citoyens de seconde zone et ils ne veulent pas le devenir du fait de mesures qui n'accorderaient aucun respect à leur vie privée. Enfin, à l'inverse du président de l'International Rugby Board (IRB) qui invoque la spécificité du sport au sein du Traité de Lisbonne, nous estimons que le calendrier des compétitions, ainsi que l'ensemble des questions sportives doivent être réglés par les partenaires sociaux au sein de chaque discipline. Cela commence à se faire mais c'est encore insuffisant.
Nous sommes contre le système actuel de localisation des sportifs dans les disciplines collectives. En 2011, en effet, l'AFLD a développé un nouveau mode de contrôle : 2 568 prélèvements pour le profilage ont été réalisés sur un total de 1 648 sportifs. 75 profils anormaux ont pu être mis en évidence et aucune sanction n'ayant été prise, on s'est contenté d'informer du médecin de la fédération.
Quant au passeport biologique, qui sera mis en place en 1er juillet 2013, les données qu'il contient feront l'objet d'un traitement statistique sur lequel la CNIL (Commission nationale informatique et libertés) n'a pas encore rendu d'avis. Le principe de localisation, tel que pratiqué par l'AFLD, n'a rien apporté à la lutte contre le dopage. Le système des groupes cibles est anormalement intrusif, puisqu'il commande aux sportifs concernés, qui n'ont pas donné leur accord, de communiquer à l'AFLD des informations sur leurs lieux de résidence, d'entraînement, et de compétition, de façon à pouvoir être localisables et éventuellement soumis sur-le-champ aux divers contrôles ordonnés discrétionnairement par l'agence. Le principe d'égalité entre tous les sportifs n'existe plus et les athlètes désignés sont placés sous l'emprise d'un régime d'exception dans lequel le sportif est un suspect potentiel. Enfin, le sportif localisable se trouvera soumis à une surveillance permanente qui le prive d'une vie familiale normale.
Ces moyens de lutte sont-ils donc toujours pertinents ? Nous pensons que non. Les sportifs professionnels n'ont-ils pas droit à être traités avec éthique et équité ? Aucune autre catégorie professionnelle n'est soumise à des obligations aussi intrusives, que l'on songe même aux militaires, aux médecins, aux pilotes d'avions, aux capitaines d'industrie, aux opérateurs de marché, sans même parler des représentants du peuple français, appelés à décider du sort de leurs concitoyens.
Plusieurs actions contentieuses sont en cours : l'une devant la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), visant à contester le principe de localisation permanente posé par l'ordonnance du 14 avril 2010 ; l'autre devant la Cour de Cassation, accompagnée de deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) portant sur les multiples violations des droits de la personne causées par le principe de localisation permanente.