Intervention de David El Sayegh

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 19 octobre 2022 à 9h35
Situation du centre national de la musique – audition

David El Sayegh, directeur général adjoint de la Sacem :

– Le CNM a beaucoup fait en matière d’observations, mais il dépend des informations que lui fournissent les plateformes. Je vais être très clair : si on ne force pas d’une certaine manière les plateformes à renseigner et à communiquer ces informations, nous dépendrons toujours du bon vouloir desdites plateformes.

Si le CNM a rencontré des difficultés pour mener son étude sur les faux streams et la manipulation des streams, c’est parce qu’il n’avait pas d’informations précises. Demain, si on veut vraiment un observatoire de la diversité sur les plateformes, il va falloir que celles-ci renseignent très précisément ces éléments, comme le font les médias traditionnels.

On parle de fond de catalogue. Un titre qui rejoint le fond de catalogue a plus d’un an. Peut-on raisonnablement comparer un titre des Beatles, sorti dans les années 1960, avec un titre qui est sorti il y a un an et demi, alors qu’ils sont rangés dans la même catégorie aujourd’hui ? C’est ce degré d’analyse dont nous disposons. On a donc absolument besoin que ces informations soient renseignées. C’est mieux si cela est fait spontanément, mais s’il est nécessaire de réguler pour que les plateformes renseignent ces informations, il convient de le faire. C’est essentiel.

Pour répondre sur la taxe streaming, il existe deux paramètres à prendre en considération. En premier lieu, toutes les plateformes n’évoluent pas dans le même secteur. Certaines ne dépendent et ne vivent que de la musique. D’autres entités constituent un produit d’appel, dans de grands groupes qui font bien autre chose que de la musique.

On dit que les prix des abonnements vont augmenter. Je ne partage pas cet avis. J’observe que le revenu moyen de l’utilisateur du streaming musical a baissé depuis cinq ans. Il était à 7 euros, il est à peine à 5 euros aujourd’hui. Pourquoi ? Tout d’abord, il y a eu une stagnation du prix facial mais, surtout, on a assisté à un développement d’offres alternatives – offre étudiante, offre famille, bundle, six mois gratuits – que, bien évidemment, ces plateformes répercutent sur les titulaires de droits. Le streaming est compliqué. Ce n’est pas simplement un prix que l’on montre. Il existe beaucoup de formulations et beaucoup d’offres. Il faut être très vigilant, mais je ne pense pas que cela entraînera une augmentation du prix. Je partage l’analyse de Jean-Philippe Thiellay sur ce point.

Market centric ou user centric, c’est la même chose : Deezer nous a vanté les vertus d’user centric. Pourquoi pas ? Toutefois, il faut pouvoir vérifier si cela crée vraiment plus de diversité. Il est vrai qu’on a aujourd’hui une loi de Pareto exacerbée en matière de streaming. Aujourd’hui, d’après une étude réalisée par l’autorité britannique de la concurrence, 1 % des titres font 80 % des streams. En 2020, plus de 50 millions de titres étaient disponibles sur les plateformes. À peine 4 millions ont été « streamés » au moins une fois, 1 %, soit environ 40 000, représentant une volumétrie de 80 % des streams. Cela fait quand même 40 000 titres, mais c’est une vraie question.

Pour y répondre, il faudrait suivre les choses pendant un an, voire deux ans, et réaliser un comparatif. On ne peut le faire par échantillonnage, parce que cela se mesure au titre, mais aussi au catalogue. Très sincèrement, on a besoin de données robustes de la part des plateformes. On ne peut se contenter de ce qu’a fait Deezer en appliquant un coefficient pour augmenter la valeur ou l’abaisser. Ce n’est absolument pas la méthode à suivre.

S’agissant de la baisse des fréquentations, la Sacem constate un nombre important de séances occasionnelles, menées par des petites structures, qui baissent de manière drastique et qui contribuent à la collecte de droits d’auteur de manière significative. C’est donc un sujet de préoccupation.

Enfin, une question a été posée sur la copie privée. Nous attendons aussi le résultat de l’étude. Lorsque j’ai été auditionné, on m’a expliqué qu’il s’agissait d’un dispositif obsolète. Le lendemain, la Cour de justice de l’Union européenne rendait un arrêt qui appliquait la copie privée au Cloud Computing. Je n’ai pas aujourd’hui le sentiment, compte tenu des évolutions dans ce secteur, que ce soit un dispositif obsolète. La Cour de justice dit dans son arrêt qu’« il est du devoir du législateur de préserver une neutralité technologique et de s’adapter en fonction des nouvelles technologies ». Aujourd’hui, il existe une plasticité de la copie privée qui permet d’appréhender les nouveaux usages.

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