Intervention de Julien Dubertret

Mission commune d'information sur la taxe professionnelle — Réunion du 22 novembre 2011 : 1ère réunion
Audition de M. Julien duBertret directeur du budget

Julien Dubertret, directeur du budget :

Madame la Présidente, ce sujet est d'une redoutable complexité. A la suite de vos premières auditions, vous en savez peut-être plus que moi. J'essaierai d'être précis, le questionnaire que vous m'avez communiqué appelant des éléments de réponse assez développés et généraux. Par ailleurs, il requiert des explications ligne par ligne qui se prêtent peut-être plus à un échange écrit, quitte à ce que vous me sollicitiez à nouveau pour des explications détaillées. La première question porte sur le coût actualisé et le coût net de la réforme de la taxe professionnelle pour l'Etat en 2010 ainsi que sur les chiffres prévisionnels pour l'année 2011 et les prévisions pour l'année 2012.

C'est une question simple et complexe à la fois. Je vais essayer de la traiter de façon chronologique. S'agissant de 2010, le coût initial estimé pour l'Etat était de 11,7 milliards d'euros, correspondant à ce qu'on a appelé de manière un peu triviale la « bosse de coût », ce surcoût temporaire étant évidemment bien supérieur à un coût en moyenne période se situant entre 4 et 5 milliards d'euros.

Cette évaluation traduisait le fait qu'en plus du coût lié au passage d'un impôt à un nouvel impôt -qui se décompose en deux sous-impôts spécifiques - et à la différence de rendement entre l'ancienne et la nouvelle imposition, s'ajoutait le fait que l'Etat ne recouvrait que partiellement les nouveaux impôts en 2010.

La première année, 90 % de ces nouveaux impôts étaient recouvrés par l'Etat, celui-ci ayant gardé pour lui en contrepartie le produit des impôts. L'effet de la disparition progressive et non immédiate du coût des dégrèvements de taxe professionnelle a été l'autre élément majeur expliquant cette « bosse » temporaire.

Parmi ces trois éléments de surcoût temporaire, l'un, relatif au coût des dégrèvements - et singulièrement au coût du dégrèvement lié au plafonnement de la valeur ajoutée - a fortement varié et explique pour finir que le coût net pour l'Etat de la réforme de la taxe professionnelle, en 2010, a été actualisé à 7,8 milliards d'euros au lieu de 11,7 milliards d'euros. Cette différence de 3,9 milliards est en quasi-totalité liée à la variation d'estimation du coût du plafonnement de la valeur ajoutée.

Pour autant, le coût pour l'Etat n'a pas été moindre que prévu mais on ne l'a découvert qu'après. Ceci traduit le fait que le coût du plafonnement de la valeur ajoutée s'est réparti sur les années 2009 et 2010 de façon différente de celle initialement imaginée. De façon peut-être trop conventionnelle -mais il fallait bien choisir une hypothèse - le Gouvernement a supposé que ce plafonnement en valeur ajoutée se répartissait à 50 % sur 2009 et à 50 % sur 2010, estimant que les entreprises n'auto-imputaient sur leur taxe professionnelle pas plus de la moitié de l'effet de plafonnement de la valeur ajoutée.

Autrement dit, les entreprises ayant la faculté d'anticiper l'effet à leur bénéfice du plafonnement de la valeur ajoutée, on estimait que ce comportement n'était pas mobilisé à hauteur de plus de 50 % de la totalité des droits que les entreprises pouvaient faire valoir.

On sait depuis quelque temps que la proportion dans laquelle le plafonnement de valeur ajoutée auto-imputé par les entreprises était plutôt de l'ordre de 80 %, la question étant de savoir s'il s'agissait d'un comportement spécifique à 2009 ou d'un comportement pérenne. Tout donne à penser qu'il s'agissait d'un comportement pérenne et que, de façon régulière, en régime de croisière, les entreprises mobilisaient environ 80 % de la créance par anticipation sur l'année suivante.

Ce n'est donc pas tant le coût temporaire de la bosse qui a été revu à la baisse que sa répartition dans le temps. On s'aperçoit aujourd'hui que, du fait de comportements anciens - peut-être légèrement accentués par la crise de 2009 - et permanents, une partie du coût de 11,7 milliards d'euros a été anticipée. Je ne nie pas que le passage de 11,7 milliards d'euros à 7,8 milliards d'euros traduise une révision à la baisse du coût de cette réforme mais il constitue toutefois a posteriori une anticipation passée en partie inaperçue, liée à un comportement des entreprises consistant à anticiper autant que possible - de manière au fond assez naturelle- les droits qu'elles pouvaient mobiliser au titre du plafonnement de la valeur ajoutée.

Pour quel motif n'a-t-il pas été possible de percevoir plus clairement et plus tôt ce comportement des entreprises ? Comment expliquer qu'en réalité, en entrant dans l'année 2011, on avait déjà largement anticipé une partie du surcoût temporaire ? Je ne suis pas le mieux placé pour répondre. Peut-être avez-vous déjà interrogé la DGFiP sur ce sujet...Je crois que cela traduit le fait que les systèmes d'information qui gèrent la taxe professionnelle n'ont pas été conçus pour gérer cette réforme. C'est une évidence : au moment où l'on a mis en oeuvre cette réforme, on ne réalisait pas à quel point ils pouvaient être lacunaires en informations utiles pour répartir de façon fiable et certaine le surcoût portant sur 2009 et 2010. En effet, ces systèmes ne permettent pas de faire le départage entre les déremboursements et les prises en charge par l'Etat correspondant à un versement direct à des entreprises d'une part et d'autre part à des dégrèvements correspondant à la prise en compte d'auto-imputations réalisées par les entreprises.

A défaut de pouvoir faire cette distinction et d'analyser clairement la consistance des deux flux, on en a été réduit à faire des hypothèses à hauteur de 50-50. Je vous ai dit ce qu'il fallait en penser et comment la proportion s'est finalement révélée plus proche de 80-20.

C'est plutôt une bonne nouvelle pour 2011 ; elle traduit le fait qu'une partie du surcoût de la réforme a déjà été supportée en 2009. En revanche, pour le régime de croisière, il est frappant de constater l'extraordinaire stabilité du coût qui ressort de ces différentes estimations. On reste bien entre 4 et 5 milliards d'euros -autour de 4,3 à 4,8 milliards d'euros. On verra exactement ce que cela représente pour 2011 et les années suivantes. C'est assez remarquable, compte tenu de l'immense complexité qui était associée à la mise en oeuvre de cette réforme.

S'il y a eu, à l'évidence, un réel défaut d'évaluation sur la répartition du surcoût temporaire, la gravité de ce constat paraît atténuée par le fait que ce n'est pas tant une erreur d'estimation que de répartition. Pour ce qui est du coût en régime de croisière, je suis plutôt heureux de constater la grande stabilité de l'évaluation, qui tend à démontrer la qualité du travail fourni dans tout le processus d'élaboration, de vote et de mise en oeuvre de la réforme. Je le dis d'autant plus volontiers que mes services ne sont pas directement impliqués dans la mise en oeuvre de cette réforme -même si, comme il se doit, nous la suivons de très près depuis le début. L'actualisation des données intégrées au collectif budgétaire 2011, pour 2011 et 2012, fait ressortir un coût prévisionnel de 4,8 milliards d'euros pour 2011 et de 4,4 milliards d'euros pour 2012.

S'agissant de 2011, les 4,8 milliards d'euros correspondent à une nouvelle estimation à la hausse. L'estimation initiale du coût 2011 était de 4,3 milliards d'euros, soit une progression d'environ 500 millions d'euros pour l'Etat. Je peux vous en donner la décomposition : elle correspond à des mouvements en sens contraire sur différentes dotations, essentiellement une augmentation des dotations budgétaires de compensation de la réforme dans son volet complément de compensation-relais, pour 270 millions d'euros et 838 millions d'euros sur la DCRTP.

On constate en outre une révision à la hausse du gain sur les remboursements et dégrèvements de l'ordre de 200 millions d'euros et des recettes supplémentaires au titre des dispositifs en voie d'extinction pour 300 millions d'euros.

Pour 2012, j'ai indiqué que l'estimation était de 4,4 milliards d'euros ; le coût en régime de croisière est estimé à environ 4,5 milliards d'euros.

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