Intervention de Pierre Laurent

Commission des affaires européennes — Réunion du 27 juillet 2022 à 13h35
Énergie climat transports — Énergies renouvelables et efficacité énergétique : proposition de résolution portant avis motivé de mm. daniel gremillet et pierre laurent sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de directive du parlement européen et du conseil modifiant la directive ue 2018-2001 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables la directive 2010-31-ue sur la performance énergétique des bâtiments et la directive 2012-27-ue relative à l'efficacité énergétique

Photo de Pierre LaurentPierre Laurent :

La Commission européenne invite les Parlements nationaux à vérifier la conformité au principe de subsidiarité d'une proposition de directive désignée sous la référence COM (2022) 222 final. Lors de sa réunion du 29 juin dernier, le groupe « subsidiarité » de notre commission a donc décidé d'approfondir l'examen de ce texte qui soulevait un certain nombre de problèmes. Avec mon collègue Daniel Gremillet, nous allons vous présenter les conclusions auxquelles nous sommes parvenus.

Publiée le 18 mai dernier, cette proposition de directive est une des déclinaisons législatives du plan REPowerEU, présenté le même jour par la Commission. Elle tend à réviser trois directives dont la refonte ou la modification sont déjà proposées par ailleurs, dans le paquet « Ajustement à l'objectif 55 », en cours de négociation, comme vous le savez :

- la directive relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables ;

- la directive sur la performance énergétique des bâtiments ;

- et la directive relative à l'efficacité énergétique.

La concomitance de deux procédures de révision des mêmes directives est assez inédite : elle démontre combien les événements récents bousculent l'Union, au point de l'obliger à revoir ses objectifs avant même de les avoir définitivement fixés.

Lors du Sommet de Versailles, des 10 et 11 mars derniers, les chefs d'État ou de Gouvernement de l'Union européenne ont donc invité la Commission européenne à proposer un plan « REPowerEU » visant à rendre l'Union indépendante des combustibles fossiles russes. Ce plan s'articule autour de trois axes : les économies d'énergie, la diversification des approvisionnements et la transition énergétique. Il constitue une réponse aux enjeux d'approvisionnement énergétiques auxquels sont confrontés les pays européens, avec encore plus d'acuité, depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie.

Le vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, a ainsi déclaré lors de sa présentation : « nous réduirons nos importations de gaz russe d'un tiers dès cette année, puis, à l'horizon 2027, nous réduirons notre dépendance à zéro si tout fonctionne bien ». La Commission européenne estime que ce plan doit permettre à l'Union de réaliser une économie de près de 100 milliards d'euros par an sur ses dépenses d'importations de combustibles fossiles. Par ailleurs, près de 300 milliards d'euros devraient être mobilisés, d'ici 2030, pour sa réalisation.

La reprise économique qui a suivi la crise de Covid-19 avait déjà entraîné à la hausse les prix des énergies, mettant au jour les enjeux de souveraineté et de sécurité énergétiques. Ces enjeux ont pris une acuité supplémentaire avec les évolutions géopolitiques récentes, et se sont trouvés au centre des préoccupations des dirigeants européens au cours de ces derniers mois. Le conflit ukrainien a particulièrement mis en lumière la vulnérabilité et la dépendance des économies européennes à l'égard des livraisons de gaz, de charbon et de pétrole russes. Plus de 48 % des importations de gaz, 45 % de celles de charbon et plus de 25 % de celles de pétrole dans l'Union proviennent de la Fédération de Russie. Toutefois, le niveau de dépendance de chaque État membre en la matière est très variable. Le gaz russe ne représente, par exemple, que 17 % de l'ensemble des importations de gaz pour la France contre plus de 75 % pour dix États membres.

Je rappelle également que l'Union européenne a adopté six paquets de sanctions à l'égard de la Russie, parmi lesquelles figurent notamment l'interdiction de la totalité des importations de charbon, d'ici août, et de 90 % de celles de pétrole, d'ici décembre, en provenance de ce pays. Ces enjeux sont aussi rendus plus aigus du fait de la décision de la Russie de réduire ses livraisons de gaz vers l'Europe - hier encore !-, avec le risque de rupture d'approvisionnement en cas d'arrêt total des exportations russes.

Plusieurs initiatives législatives sont ainsi proposées par la Commission européenne dans le cadre du plan REPowerEU afin d'accroître encore les ambitions de l'Union européenne en matière de transition énergétique. Il s'agit, pour l'essentiel, de rehausser les objectifs relatifs aux énergies renouvelables et à l'efficacité énergétique, fixés respectivement dans les directives de 2018 et 2012, et déjà revus à la hausse dans le paquet « Ajustement à l'objectif 55 ».

S'agissant de la directive relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, la présente proposition modifie plusieurs dispositions et insère de nouveaux articles afin de :

- rehausser de 40 à 45 % l'objectif en matière de part d'énergies renouvelables dans la consommation finale d'énergie en 2030 dans l'Union européenne ;

- obliger les États membres à identifier les zones terrestres et maritimes spécifiques favorables à l'implantation d'installations utilisant des sources d'énergies renouvelables et à mettre en place ces zones ;

- réduire la complexité administrative et la durée des procédures d'octroi d'autorisations pour les projets dans le domaine des énergies renouvelables ;

- exiger des États membres qu'ils encouragent l'expérimentation de nouvelles technologies liées aux énergies renouvelables.

Concernant la directive relative à l'efficacité énergétique, la proposition propose de renforcer celle-ci en portant de 9 à au moins 13 % en 2030 l'objectif de réduction de consommation d'énergie de l'Union européenne, par rapport au scénario de référence de 2020.

Enfin, la Commission assortit son initiative d'une disposition législative qui tend à insérer un nouvel article 9 bis sur les toits solaires, dans la directive sur la performance énergétique des bâtiments. Afin de développer l'intégration de l'énergie solaire dans les bâtiments, elle demande aux États membres d'assurer le déploiement d'installations solaires sur divers bâtiments : pour les bâtiments publics et commerciaux de plus de 250 m2 de surface utile, l'obligation de toits solaires serait applicable dès 2027 pour le neuf et 2028 pour l'existant ; pour tous les nouveaux bâtiments résidentiels, ce serait dès 2030. Les États membres devraient aussi définir les critères nécessaires à la mise en oeuvre de ces obligations et prévoir les éventuelles exemptions pour certains types de bâtiments. Cette mesure doit permettre de contribuer à l'objectif retenu par la Commission d'accroître fortement les capacités de l'Union européenne en matière d'installations solaires d'ici 2030.

Les négociations sur le paquet « Ajustement à l'objectif 55 » se sont déroulées sous présidence française et elles ont permis d'examiner les deux premières directives que je viens de mentionner. Durant ces négociations, le choix a été fait d'écarter les nouveaux objectifs ciblés que propose le plan REPowerUE, afin de ne pas compromettre et retarder l'adoption de positions de compromis au Conseil. Seul un point relatif aux procédures d'octroi de permis pour les projets d'énergies renouvelables a été intégré à la discussion. Les orientations générales, adoptées lors de la réunion des ministres de l'énergie, le 27 juin 2022, ont donc fait l'impasse sur les objectifs rehaussés, avancés par la présente proposition. Après le vote en séance plénière au Parlement européen sur ces deux textes, au mois de septembre prochain, les trilogues pourront débuter et permettront alors de débattre de ces nouveaux objectifs. Les discussions sur la refonte de la directive de 2010 sur la performance énergétique des bâtiments, présentée plus tardivement par la Commission, a fait seulement, quant à elle, l'objet d'un rapport sur les progrès réalisés lors du Conseil « énergie » du 27 juin dernier.

Nous tenons à indiquer que nous partageons les objectifs formulés par la Commission européenne dans le cadre du plan REPowerEU et que nous ne remettons nullement en cause l'importance et le rôle des énergies renouvelables dans la transition énergétique et climatique. La transition vers des sources d'énergies neutres en carbone, comme les renouvelables, et l'accélération de l'efficacité énergétique, telles que le propose ce plan, offrent indiscutablement des leviers pour s'affranchir de la dépendance aux combustibles fossiles russes et pour assurer la sécurité de l'approvisionnement énergétique de l'Union européenne.

Je me permets, Monsieur le Président, de donner la parole à notre collègue, Daniel Gremillet, qui va toutefois tempérer cet accord de principe.

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