Je voudrais mettre en évidence quelques modifications importantes adoptées par le Conseil : certaines parce qu'elles répondent directement à des observations que nous avions faites ; d'autres parce qu'elles illustrent quelques écarts notables par rapport aux positions adoptées par le Parlement européen.
S'agissant tout d'abord du système d'échanges de quotas d'émission, le Conseil souhaite conserver l'ambition générale de la Commission, qui proposait de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 61 % d'ici 2030 dans les secteurs couverts par ce mécanisme. Le Parlement européen se montre pour sa part plus volontariste, en affichant un objectif de réduction relevé à 63 % à l'horizon 2030. Le Conseil a par ailleurs confirmé la proposition de renforcer la réserve de stabilité du marché, ce qui nous était apparu important. Il a souhaité rendre automatique et plus réactif le déclenchement du mécanisme qui active la libération sur le marché de quotas issus de la réserve de stabilité du marché, en cas de hausse excessive des prix, ce qui paraît aller dans le bon sens.
Par ailleurs, le Conseil valide l'idée de créer un système d'échanges de quotas d'émission distinct pour les secteurs du transport routier et du bâtiment. Il s'agit d'un point politiquement très sensible et nous avions souligné les inquiétudes suscitées par ce projet.
Nous avions jugé que la proposition de la Commission n'était pas acceptable en l'état, le niveau des compensations et dispositifs d'accompagnement nous apparaissant incertain.
De fait, ce dossier a donné lieu à d'intenses négociations mais le principe même de ce système bis est désormais confirmé. La Commission proposait de le mettre en place à partir de 2026. Le Conseil a proposé d'en décaler l'application d'un an. La mise aux enchères des quotas interviendrait ainsi à partir de 2027 et leur restitution à partir de 2028, et ce tant pour les entreprises que pour les ménages. De son côté, le Parlement européen prône une application différenciée : à compter de 2026 pour les entreprises et de 2029 pour les ménages. Ce sera un point important des négociations à venir.
Deux textes emblématiques sont directement liés au système d'échanges de quotas d'émission : le fonds social pour le climat, destiné à soutenir les ménages, les micro-entreprises et les usagers des transports vulnérables pour compenser l'extension du système au transport routier et au bâtiment, ainsi que le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières.
S'agissant du fonds social pour le climat, on aboutit à des écarts très nets de position entre le Conseil et le Parlement européen.
Premièrement, concernant le volume d'ensemble alloué à ce fonds : le Parlement européen souhaite au minimum maintenir le montant proposé par la Commission, soit 72,2 milliards d'euros sur la période 2025-2032, alors que le Conseil entend, d'une part, le réduire à 59 milliards d'euros et, d'autre part, supprimer l'obligation de co-financement national, qui serait rendu facultatif. Les personnes auditionnées ont souligné que ce niveau de 59 milliards d'euros avait été difficile à obtenir, les Etats frugaux ayant exprimé jusqu'à la fin des demandes beaucoup plus basses.
Je me permets de rappeler que la proposition de la Commission prévoyait initialement que le Fonds social pour le climat serait financé par 25 % des recettes liées à l'extension du marché carbone aux secteurs du bâtiment et du transport. Or, en l'espèce, on constate que la part allouée de ces recettes selon la proposition adoptée par le Conseil se situerait en dessous de 25 %. À partir du moment où l'on finance cette transition par le biais de ces marchés, la question est donc de savoir si les recettes générées doivent servir majoritairement à financer la transition ou à rembourser la dette contractée par l'Union pour financer l'instrument de relance Next Generation EU. Cette situation est donc problématique et les parlements nationaux devront suivre scrupuleusement l'évolution de ce fonds, particulièrement s'agissant de l'accompagnement des politiques co-financées.
Deuxièmement, les deux institutions divergent également sur le calendrier de mise en oeuvre du fonds : le Conseil prône une période de mise en oeuvre réduite, allant de 2027 à 2032, avec une éligibilité rétroactive des dépenses au 1er janvier 2026, alors que le Parlement souhaite qu'il se déploie en deux phases, de 2024 à 2027 puis de 2028 à 2032.
S'agissant du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, les différences sont également notables. Le Conseil a confirmé la proposition de mettre fin aux quotas gratuits pour les cinq secteurs proposés par la Commission, de manière progressive sur une période de dix ans, entre 2026 et 2035. Toutefois, alors que la Commission retenait un facteur de réduction linéaire, le Conseil retient un taux de réduction plus lent au départ, puis plus fort à la fin de cette période de 10 ans, afin de prendre en compte les nécessités d'adaptation de l'industrie. Cela répond ainsi à l'interrogation que nous avions exprimée sur cette trajectoire de réduction des quotas gratuits.
Le Parlement européen est sur une autre ligne. D'abord concernant le champ du mécanisme, puisqu'il souhaite étendre le mécanisme à tous les secteurs, après étude d'impact. Le Sénat avait à cet égard une position médiane, puisque nous avions proposé que des produits de base supplémentaires puissent être intégrés au mécanisme, sous réserve d'une étude d'impact approfondie et sous réserve que l'intensité carbone des produits importés puisse être correctement évaluée.
Le Parlement européen veut également déployer le mécanisme plus rapidement, d'ici 2032 au lieu de 2036, ce qui signifierait une réduction très rapide des quotas gratuits.
Enfin, nous avions souligné l'enjeu que représente la mise en oeuvre de ce mécanisme pour les entreprises exportatrices, qui se verraient pénalisées si la proposition de la Commission était suivie. A ce stade, le SGAE nous a indiqué qu'aucune solution n'avait été trouvée mais que les réflexions se poursuivaient. J'attire votre attention sur ce sujet : les entreprises qui produisent dans l'Union pourraient être soumises à des quotas qui ne seraient plus gratuits. La compétitivité des entreprises qui souhaiteraient exporter hors de l'Union européenne s'en trouverait alors fortement endommagée.