À ma connaissance, il n'y a eu aucune intervention de TRACFIN dans cette affaire, du moins jusqu'aux plaintes que j'ai pu déposer. J'espère que, désormais, les choses commencent à être remises en état.
Pour être précise sur les flux, juste avant son décès, l'administration fiscale avait fait un rapport sur la situation de M. Wildenstein. Car vous savez qu'il est décédé en se disant ruiné et en déclarant un revenu de 780 euros par mois. Néanmoins, le rapport de l'administration fiscale mettait en évidence des mouvements de 1,5 million d'euros chaque année sur les trois dernières années. Il y avait donc des choses assez étonnantes, qui lui ont valu un redressement au titre des années 1996, 1997 et 1998. Je suis pour ma part intervenue bien après, en 2003. Autant vous dire que je ne m'attendais pas du tout à un dossier comme celui-là au départ.
Je n'ai pas eu de contacts avec TRACFIN. En revanche, je me suis adressée à l'administration fiscale. En dépit de leur compétence, les agents que j'ai rencontrés m'ont dit clairement qu'ils ne pouvaient rien faire et que cette affaire relevait de la cellule spécialisée dans le traitement des dossiers impliquant des personnalités.
Pour répondre à votre question sur les législations américaine et française, il me semble que le principe de la résidence est celui qui vous permettra de récupérer le plus d'impôts. La résidence permet de rester dans la réalité des choses. C'est le lieu de vie, le lieu d'ancrage économique, familial et culturel d'une personne. Même si nous sommes dans une société nomade, cet ancrage continue d'exister. En outre, une centaine de conventions environ ont été rédigées et signées sur cette base. Si on passe au principe de nationalité, il faudra dix ou quinze ans pour changer les textes. On sera mort avant d'avoir pu modifier les conventions !
J'en viens aux moyens coercitifs. Si Bloomberg s'intéresse tant à cette affaire, c'est parce que les Américains se disent : « S'ils font cela en France, pourquoi ne ferions-nous pas la même chose aux États-Unis ? » Outre-Atlantique, en effet, on ne rit pas avec la fraude fiscale ; les fraudeurs vont en prison. En France, nous devons utiliser nos propres armes. Nous avons des juges d'instruction compétents, indépendants - croyez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai rencontré des magistrats remarquables. Mais il faudrait qu'ils soient plus nombreux, et aussi peut-être que le parquet soit légèrement plus motivé pour rechercher ces « trous noirs », et aller ainsi dans le sens de l'intérêt général.
Quant à la coopération qui s'opère dorénavant entre pays, il ne faut pas tomber dans l'illusion de l'assistance administrative. Pardonnez-moi cette expression, mais, à vrai dire, c'est un peu de la foutaise dès lors que les éléments doivent être suffisamment caractérisés pour que les informations soient communiquées.
Il suffit de prendre comme exemple la relation avec la Suisse en ce qui concerne les trusts. Ce pays prétend donner les informations. Mais c'est faux, car les avocats suisses ont trouvé une astuce. Quand il rédige le formulaire T, le trustee doit dire qui est le bénéficiaire économique du trust. En réalité, il ne le dit pas. En effet, pour être bénéficiaire économique, il faut percevoir des bénéfices. Il suffit donc de suspendre la distribution des bénéfices, de laisser en quelque sorte flotter ces derniers dans les airs pour ne pas avoir à communiquer le nom des bénéficiaires.