Intervention de Pierre Ferracci

Mission commune d'information relative à Pôle emploi — Réunion du 24 mai 2011 : 1ère réunion
Table ronde avec les représentants d'opérateurs privés de placement

Pierre Ferracci, président de Sodie :

Dans le cadre du dernier contrat signé avec Pôle emploi, Sodie s'est occupé de 44 000 demandeurs d'emploi au cours des deux années écoulées, avec un taux de reclassement de 55 %. Nous étions également intervenus dans le cadre d'un contrat avec l'Unedic en 2007, pour environ 6 000 demandeurs d'emploi, mais cette intervention relevait à mon avis d'une logique légèrement différente concernant la relation aux opérateurs privés.

Sodie essaye d'inscrire dans la durée sa relation avec Pôle emploi, ce qui est difficile compte tenu de la conjoncture mouvante et des contraintes budgétaires de l'opérateur public. En effet, cette situation rend difficile le suivi de nos modèles économiques qui sont compliqués. En jouant la carte du partenariat de longue durée et de la complémentarité, il est possible d'améliorer la relation entre les opérateurs privés et Pôle emploi. Aujourd'hui, il me semble que cette logique n'est pas présente, non par manque de volonté des parties, mais du fait des contraintes que j'ai évoquées.

Le premier point que je voudrais souligner concerne l'amélioration de l'efficacité du partenariat. En effet, par rapport à notre partenariat avec l'Unedic, notre liberté dans le choix des moyens à mettre en oeuvre a disparu. Le contrat avec l'Unedic était très contraignant en termes de résultats, avec deux tiers de la rémunération établie sur une base variable. La part de la rémunération variable, fixée à 50 %, est restée forte dans le cadre du partenariat avec Pôle emploi, mais l'obligation de moyens est beaucoup plus strictement définie. Ce changement est peut-être dû à la fusion de l'ANPE et des Assedic qui a donné lieu à une synthèse peu satisfaisante. Quoi qu'il en soit, cette approche rend les choses plus difficiles pour les opérateurs privés, qui exercent pourtant ce métier depuis de nombreuses années avec des entreprises privées et qui ont appliqué une partie de leurs méthodes au secteur public. Tout en renforçant l'obligation de résultat, il devrait être possible d'accorder aux opérateurs privés une plus grande maîtrise des moyens mis en oeuvre.

Il se trouve également que, dans le cadre de l'appel d'offres réalisé en 2009, nous avons récolté beaucoup de lots « Licenciement économique », par opposition aux lots « Trajectoire », du fait de la conjoncture. Or, la carte des restructurations, qui a été établie par Pôle emploi au premier semestre de 2009, a beaucoup évolué depuis cette date. En effet, les plans sociaux sont devenus moins nombreux, du fait de la montée en puissance des ruptures conventionnelles et des plans de départs volontaires dans le cadre des plans de sauvegarde de l'emploi (PSE). Cela pose un problème dans la mesure où le cahier des charges de l'appel d'offres nous impose des implantations géographiques extrêmement rigides. Ceci rend difficile le maintien de l'équilibre de notre modèle économique face aux transformations de l'environnement social, d'autant plus que ce manque de souplesse s'associe à des prix qui sont fortement tirés vers le bas et auxquels il faut également s'adapter.

De même, les modalités de rémunération pourraient évoluer en fonction des objectifs politiques qui sont assignés à Pôle emploi par la puissance publique. Au moment de la crise, le lien entre la formation des demandeurs d'emploi et l'emploi a été très souvent évoqué. Or le cadre administratif qui nous amène à traiter ces questions de formation est extrêmement rigide et peu incitatif. Les opérateurs ne sont donc pas encouragés à placer les demandeurs d'emploi dans des formations, car les contraintes imposées par l'administration rendent le processus plus difficile à maîtriser. Une solution pourrait être la simplification des relations entre les opérateurs privés et les organismes paritaires collecteurs agréés (Opca). Aujourd'hui, ces relations existent mais par le biais d'un détour un peu compliqué passant par Pôle emploi, qui conduit parfois à perdre le fil de la demande de formation. Tous les demandeurs d'emploi ne doivent pas nécessairement suivre des formations, mais pour ceux qui en ont besoin, que ce soit sur une durée plus ou moins longue, le système actuel ne me semble pas adapté.

Les ratios utilisés devraient également être plus souples et varier en fonction de la population, du bassin d'emploi et du secteur d'activité. Aujourd'hui, les ratios sont de trente personnes suivies par consultant pour les contrats de transition professionnelle (CTP) et de cinquante personnes par consultant pour la convention de reclassement personnalisé (CRP). Quand des comparaisons sont faites entre Pôle emploi et les opérateurs privés, il arrive souvent que l'on aboutisse à la conclusion que ces derniers ne sont pas plus efficaces que l'opérateur public. Or, dans le même temps, les taux d'encadrement de Pôle emploi sont décrits comme étant inadaptés à l'afflux de demandeurs d'emploi pendant la crise. Cela démontre la relativité des ratios entre nombre de consultants et nombre de demandeurs d'emploi. Sur ce point, il faudrait laisser plus de marge de manoeuvre aux opérateurs, qu'ils soient publics ou privés. En effet, les expériences étrangères le prouvent, le nombre adéquat de demandeurs d'emploi par consultant peut varier selon les situations.

Concernant Pôle emploi, je pense qu'une plus grande liberté devrait être accordée aux unités opérationnelles tandis que le rôle du service achats devrait être réduit. La logique dominante semble aujourd'hui se baser sur le seul critère du prix pour le choix et l'évaluation des opérateurs privés. C'est en effet un indicateur utile, surtout en cette période de contraintes pesant sur les finances publiques. Cependant, si la relation entre public et privé doit s'inscrire dans la durée, le critère du prix doit être relativisé. Des comparaisons avec les pratiques étrangères pourraient encore une fois se révéler utiles.

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