Intervention de Dominique Maillard

Commission d'enquête sur le coût réel de l'électricité — Réunion du 13 mars 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Dominique Maillard président du directoire de réseau de transport d'électricité rte

Dominique Maillard, président du directoire de Réseau de transport d'électricité :

Permettez-moi néanmoins d'insister sur un point : à l'heure actuelle, les échanges en Europe se font sur des bases commerciales.

Bien sûr, il existe des limitations physiques aux capacités d'exportation ou d'importation puisque nous ne nous trouvons pas sur une plaque de cuivre, mais en tout état de cause ces échanges sont fondés sur la disponibilité ou sur les prix relatifs. Quand la demande est forte en France, les prix y sont élevés : il est compréhensible que l'on puisse alors trouver des tarifs plus attractifs à l'étranger.

Vous avez demandé si nous préconisions de limiter l'ampleur du phénomène. La réponse est oui. Pour son confort d'exploitant, il est important que RTE ne se trouve pas dans des situations de tension, notamment en Bretagne et dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, plus particulièrement dans le Var et les Alpes-Maritimes, où l'état de développement du réseau ne permet pas d'assurer, en toutes conditions, un bon approvisionnement.

RTE a donc lancé, avec les partenaires régionaux, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, et nos collègues d'ERDF, Électricité réseau distribution France, les actions « ÉcoWatt Bretagne » ou « ÉcoWatt Provence Azur », qui consistent à adresser aux consommateurs volontaires, en général la veille pour le lendemain, une alerte selon un code de couleurs facile à mémoriser. Ces messages, envoyés par messagerie électronique ou par SMS, les informent de la survenue d'une période de pointe et sont assortis d'un certain nombre de conseils pour limiter la consommation ou la reporter à des heures moins chargées.

Nous devons continuer à oeuvrer en ce sens. En Bretagne, plus de 40 000 personnes ont adhéré à ce système. Il faut ensuite évaluer sa contribution à la réduction de la pointe. On estime qu'elle est sans doute de l'ordre de 1 kilowatt par volontaire : cela correspond à un convecteur laissé éteint dans une pièce inoccupée, à un repassage ou à une lessive différé. Pour 40 000 adhérents, le gain est donc de 40 mégawatts. Ce n'est pas grand-chose, mais dans la mesure où c'est toujours la dernière goutte qui fait déborder le vase, RTE est preneur de ces mobilisations de consommateurs, non rémunérées et fondées sur le volontariat.

Il y a d'autres moyens d'inciter les gens à réduire leur consommation en période de pointe. Je pense aux méthodes tarifaires, mais c'est l'affaire des producteurs ou des fournisseurs, pas la nôtre. Il existe toujours des tarifs « effacement jour de pointe » pour certains producteurs. Je pense également aux économies structurelles, c'est-à-dire à une meilleure isolation des logements, afin qu'ils consomment moins, à la pointe comme durant d'autres périodes.

Il y a enfin - j'en ai parlé tout à l'heure - les effacements commerciaux, réalisés par des opérateurs agrégateurs d'effacements individuels qui proposent à RTE et à des fournisseurs d'énergie des blocs d'effacements obtenus par des systèmes de télécommande ou de radiocommande.

J'ai passé beaucoup de temps sur la quatrième question. Je vais maintenant répondre aux autres questions dans l'ordre où elles m'ont été posées.

Premièrement, le niveau actuel du tarif d'utilisation des réseaux publics est-il bien en ligne avec les investissements ?

Nos investissements au cours des cinq dernières années ont doublé en euros courants. Ils sont passés de 770 millions d'euros en 2006 à une prévision de 1,38 milliard d'euros en 2012. Avec l'inflation, cela fait un peu moins en volume. Pourquoi ont-ils doublé ? Parce que nous devons faire face à des besoins supplémentaires en matière de renforcement du réseau, liés à la modification de la géographie des moyens de production. Je reviendrai sur l'estimation relative au renforcement du réseau lié aux objectifs du Grenelle de l'environnement en matière d'éolien.

Deuxièmement, nous devons renforcer les interconnexions. C'est nécessaire, voire indispensable, en termes de sécurité d'alimentation. J'y reviendrai tout à l'heure.

Troisièmement, il faut faire face au renouvellement de nos 100 000 kilomètres de réseau. Nous mettons en service, bon an mal an, moins de 1 000 kilomètres de réseau par an. À ce rythme, le renouvellement prendra un siècle. Nos lignes sont bien construites, robustes, elles sont entretenues, les pylônes sont repeints, mais cent ans, c'est un grand âge ! Le rythme du renouvellement ne pourra donc que s'accentuer. À ce stade, nous ne courons pas de risque, car une grande partie du réseau est encore récente. Le réseau à 400 000 volts a été mis en service dans les années quatre-vingt : il a trente ans, c'est un réseau jeune. Néanmoins, il faudra un jour ou l'autre envisager son renouvellement.

À partir de 2007, période basse, nous avons donc considéré qu'il fallait accroître le rythme d'investissement. Cette donnée, pour répondre à votre question, a été prise en compte dans le TURPE 3. Le « juge de paix », ce sont nos résultats, qui doivent rester positifs. Certes, c'est une façon très grossière d'apprécier les choses, mais si les tarifs n'avaient pas été convenables, nous n'aurions pas eu entre 200 millions et 300 millions d'euros de résultats. De mon point de vue, le calage des tarifs est satisfaisant.

À cet égard, il y a d'autres indicateurs. Notre endettement a repris. Quand RTE a été créé, en 2000, son endettement était de 8 milliards d'euros. Il a diminué en 2006, pour tomber à 6 milliards d'euros. Aujourd'hui, il est de 7 milliards d'euros. Cependant, c'est de la bonne dette, puisqu'elle est destinée non à financer des déficits, mais à soutenir des investissements qui constituent la « base d'actifs régulés » de RTE.

Notre tarif est calculé pour couvrir nos dépenses d'exploitation et rémunère notre capital investi à hauteur de 7,25 %. Par conséquent, nos investissements entrent dans la « base d'actifs régulés » pour laquelle l'autorité de régulation autorise une rémunération des capitaux investis.

S'agissant du TURPE 3, je ne dirai pas que je suis un opérateur heureux. Là aussi, nous avons des discussions avec le régulateur sur un certain nombre de points. Certaines régulations dites « incitatives » ne nous paraissent pas si incitatives que cela, mais j'y reviendrai.

Quelles sont les perspectives en ce qui concerne le TURPE 4, tarif qui devrait prendre effet à compter de juillet 2013 ? Ce tarif fera l'objet d'une proposition de la part du régulateur. Nous sommes en discussion. Je ne saurais préjuger le résultat, mais je puis faire état des demandes formulées par RTE.

Nous considérons qu'il faudra maintenir le rythme d'investissement, voire l'accentuer légèrement, pour renforcer à la fois les interconnexions - je donnerai quelques arguments pour expliquer en quoi cela est nécessaire - et le réseau en vue d'une transition énergétique, quelle qu'elle soit.

Nous pensons qu'il faudra sans doute atteindre en euros courants des niveaux compris entre 1,5 milliard et 1,6 milliard d'euros d'ici à 2015. Nous sommes actuellement à 1,38 milliard d'euros. La tendance est donc plutôt à la hausse.

En termes de tarif, cela devrait se traduire, si l'on veut maintenir les ratios d'endettement et les résultats à des niveaux comparables à ceux d'aujourd'hui, par une progression de 3 %, soit l'inflation plus 1 point dans une hypothèse où l'inflation s'établirait à 2 %.

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