Intervention de Henri Proglio

Commission d'enquête sur le coût réel de l'électricité — Réunion du 14 mars 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Henri Proglio président-directeur général d'électricité de france

Henri Proglio, président-directeur général d'EDF :

Votre première question portait sur la différence entre les évaluations des frais d'exploitation faites il y a dix ans et celles qui ont été réalisées récemment.

D'abord, les euros de l'époque ne sont évidemment pas les euros d'aujourd'hui. C'est significatif.

Ensuite, les extensions de durée de vie sont un phénomène nouveau. On intègre dans les coûts actuels les évaluations des investissements nécessaires à l'extension de la durée de vie, corrélés à l'amélioration continue de la sûreté. Voilà ce qui, pour l'essentiel, justifie la différence entre les évaluations que vous évoquez. Les chiffres d'EDF sont totalement transparents - ils sont d'ailleurs assez largement commentés dans le rapport de la Cour des comptes - et sont à votre disposition.

Vous m'avez ensuite interrogé sur mes exigences en tant qu'actionnaire d'ERDF. Les actionnaires n'ont pas des exigences différentes. Un actionnaire est exigent par essence, en termes d'efficacité, de qualité du service rendu et de résultat de l'entreprise, les trois n'étant en principe pas incompatibles, sinon l'entreprise, quelle qu'elle soit, aurait du mal à vivre. À cet égard, je ne vois pas pourquoi ERDF serait une entreprise différente des autres.

J'attends d'ERDF qu'elle respecte ses missions de service public, parce que c'est sa raison d'être et l'essentiel de son métier. J'attends d'elle qu'elle soit efficace économiquement - en tant qu'actionnaire, je suis particulièrement attentif à ce point - et, évidemment, j'attends un résultat.

Alors est-il interdit à une entreprise, parce qu'elle est économiquement bien gérée, de faire des investissements ? C'est là une vision un peu caricaturale du monde.

J'attends de n'importe quelle entreprise placée sous ma responsabilité qu'elle assume sa mission, qu'elle satisfasse à ses exigences de performance, qu'elle effectue des investissements et délivre des résultats à son actionnaire. Ces exigences ne sont en rien incompatibles entre elles. Voilà ce que j'attends d'ERDF au quotidien.

Vous m'avez enfin interrogé sur la transparence. Il y a bien sûr une corrélation entre transparence et sûreté nucléaire. Toutefois, il ne m'appartient pas de faire des commentaires sur transparence et démocratie, car cela nous éloignerait de l'objet de cette commission. Je ne sais pas si les deux sont corrélés. Je ne sais pas si on doit spécifiquement viser tel ou tel pays.

L'organisation de la sûreté nucléaire repose sur plusieurs axes lourds. Le premier, c'est la compétence et l'exigence de l'opérateur ou des opérateurs concernés.

Historiquement, les opérateurs se sont progressivement organisés. Compte tenu de la réputation du nucléaire et du fait que tout accident nucléaire, quel qu'il soit, porte préjudice à l'ensemble de la profession, une solidarité naturelle existe entre les opérateurs mondiaux.

Ces opérateurs se sont d'abord organisés aux États-Unis, après l'accident de Three Mile Island. Une organisation extrêmement exigeante et très compétente a alors été mise en place, l'INPO - Institute of nuclear power operations. Elle effectue des audits permanents des centrales et des installations nucléaires.

À l'échelon international, la WANO, la World association of nuclear operators - l'organisation des opérateurs nucléaires mondiaux -, a été créée sur l'initiative de l'ensemble des pays opérateurs. C'est d'ailleurs aujourd'hui l'un des collaborateurs d'EDF qui préside à sa destinée.

La WANO est un organisme exigeant qui s'inspire de l'INPO, qu'elle englobe, d'ailleurs. Elle audite tous les ans chacune des décisions nucléaires. Toutes les centrales nucléaires font l'objet d'audits permanents. Certes, certains pays sont plus transparents et plus rigoureux que d'autres. Parmi ceux que vous avez cités, les plus vertueux ne sont pas les premiers auxquels on aurait pu penser et le plus défaillant n'avait pas la réputation d'être le moins compétent. Je ne jette pas la pierre à nos camarades japonais.

La WANO s'est récemment réorganisée de manière à être encore plus exigeante. Ses audits sont désormais accessibles à tous.

Le second axe de l'organisation de la sûreté nucléaire repose sur les autorités indépendantes. Il est vrai que le nucléaire impose, par principe, l'existence d'autorités de sûreté indépendantes. Je reconnais que l'ASN fait partie des bons élèves de la classe des autorités de sûreté nucléaire et qu'elle constitue une référence, mais elle n'est pas la seule organisation de ce type.

Professionnalisme, exigence interne des opérateurs, exigences externes des autorités de sûreté, contrôle par les autorités de sûreté des opérateurs et contrôle en continu par les opérateurs de leurs homologues, et d'eux-mêmes d'ailleurs, sont des éléments clés de la sûreté nucléaire.

La WANO a vocation à aider les nouveaux entrants dans le club nucléaire agrandi, à leur donner les moyens d'accéder à ce type d'organisation. C'est ainsi que la profession s'est organisée.

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