Intervention de Daniel Nizri

Mission d'information Sécurité sociale écologique — Réunion du 2 mars 2022 à 17h00
« un exemple de l'état-providence écologique : une allocation alimentaire universelle ? » — Audition de M. Daniel Nizri président de la ligue nationale contre le cancer et du comité de suivi du programme national nutrition santé 2019-2023 et de Mme Dominique Paturel chercheuse à l'institut national de recherche pour l'agriculture l'alimentation et l'environnement inrae

Daniel Nizri, président de la Ligue nationale contre le cancer et du comité de suivi du programme national nutrition santé 2019-2023 :

Bien sûr, s'agissant des comorbidités de la covid, il existe des données chiffrées, fournies notamment par Santé publique France. Je vous les transmettrai par écrit. Par exemple, le sel qui, pour de multiples raisons, se trouve dans l'alimentation contribue à un certain nombre de pathologies, notamment cardio-vasculaires, qui fragilisent l'ensemble de la population. Il a un impact sur la circulation sanguine et la vascularisation cardiaque, cérébrale et rénale. De même pour le sucre. Quand j'ai commencé mes études de médecine, on disait que 1 % de la population française était « diabétique connu » et 1 % « vraisemblablement méconnu ». Maintenant, ces deux catégories sont respectivement à 4 % et 3 %. On considérait naguère que le diabète gras touchait plutôt des adultes âgés ; aujourd'hui, on constate, non seulement aux États-Unis, mais aussi en France, et plus particulièrement dans les territoires que nous avons évoqués, une importance significative du diabète chez les enfants et les jeunes adultes. Or, lors de la covid, les patients diabétiques ont été parfaitement repérés parmi ceux qui entraient en réanimation.

Enfin, les matières grasses jouent également un rôle. Aujourd'hui, en France, 49 % des personnes sont en surpoids, même si celui-ci n'est pas toujours important, et plus de 7 % souffrent d'obésité, pas forcément morbide d'ailleurs. Cela a conduit nombre de nos concitoyens en réanimation. Si, aux États-Unis, le taux de graisse dans un burger peut atteindre 30 %, il ne peut dépasser 15 % en France, et la plupart d'entre nous achètent des steaks comprenant 5 % de graisse.

Il y a des prétextes historiques à la présence de sel ou de sucre dans les aliments. Par exemple, le sel était nécessaire à la conservation, mais on sait aujourd'hui conserver les produits en en utilisant moins. De même, on peut changer les recettes pour moins recourir au sucre, même si le goût du produit peut en être altéré, ce qui risque de déstabiliser les consommateurs : il y a quelques années, une marque de desserts suisses a ainsi perdu plus d'un tiers de sa clientèle en quelques jours après avoir, dans une démarche vertueuse, diminué le taux de sucre de ses produits. Demain, jeudi 3 mars 2022, la filière de la boulangerie signera avec le ministre de l'agriculture et de l'alimentation et le ministre des solidarités et de la santé un accord de filière sur la diminution du taux de sel dans plusieurs sortes de pains, mais en tenant compte des conséquences sur les consommateurs.

En outre, il existe des inégalités par rapport aux textes. Aucun d'entre nous ne serait capable de boire un verre de soda aux Antilles ! La teneur en sucre y est trois fois plus importante qu'en métropole. L'application de la loi Lurel est aléatoire... C'est là une vraie inégalité. On parle beaucoup aux Antilles du chlordécone, et à juste titre, mais il ne faut pas oublier le sucre.

Les causes de cancers évitables sont les suivantes : le tabac, l'alcool, l'alimentation et tout ce qui est présent dans l'atmosphère. Il faut agir contre elles, ce qui, encore une fois, ne veut pas dire supprimer. Il faut éduquer, informer et éclairer pour diminuer le nombre de cancers. Tous ceux d'entre nous qui ont été confrontés à cette maladie, directement ou indirectement, comprennent les enjeux.

Enfin, la restauration collective est pour nous très importante, ne serait-ce que parce qu'elle concerne beaucoup de gens. Les règles étaient jusque-là aléatoires ; on discute aujourd'hui du Nutri-score dans la restauration collective. J'ai déjà parlé de l'éducation à la santé des jeunes, de la crèche à l'université. Mais, pour les adultes, l'un des endroits où ils peuvent rencontrer une alimentation favorable à leur bien-être, ainsi qu'une information, c'est précisément la restauration collective. La Ligue est d'ailleurs parfois sollicitée pour contribuer à des ateliers organisés dans les entreprises, juste avant ou après la prise du repas. Elle essaie de profiter de ces moments pour inciter à des changements de comportement.

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