« La crise énergétique n'a pas encore commencé », titrait la chronique des Échos du mardi 11 octobre 2022. Au-delà de la flambée des prix des énergies à laquelle l'Europe doit faire face, qui - je le rappelle - a débuté dès la fin de l'été 2021, avant l'agression russe en Ukraine, ce titre illustre que se profile un choc d'activité majeur et durable pour l'économie européenne dans son ensemble, avec un risque de désindustrialisation. Il est évident qu'il n'y aura pas de retour au niveau de prix d'avant la crise que nous traversons actuellement.
Ce moment critique met brutalement au jour la dépendance de l'Union européenne à l'égard des énergies fossiles, sa dépendance envers un petit nombre de fournisseurs, et aussi ses divisions profondes en matière de politique énergétique. Pourtant, les questions d'énergie ont joué un rôle déterminant dans sa naissance, puisque la première institution commune des six pays fondateurs de l'Union européenne fut, après la signature en 1951 du traité de Paris, la Communauté européenne du charbon et de l'acier (Ceca), suivie de la Communauté européenne de l'énergie atomique. Les pères fondateurs de l'Europe moderne avaient bien saisi le caractère stratégique du sujet.
Après avoir largement libéralisé les marchés de l'énergie, l'Union européenne se trouve désormais face un double enjeu : il s'agit à la fois d'assurer sa souveraineté énergétique et d'accélérer la transition énergétique.
Ce double objectif n'est pas simple à atteindre : ainsi le charbon contribue-t-il à la sécurité des approvisionnements, mais nuit à la performance environnementale. Les énergies renouvelables aideraient à réaliser cette dernière, même si elles se heurtent à la problématique du stockage de l'électricité, mais elles coûtent encore trop cher, ou se déploient au prix de nouvelles dépendances avec des fournisseurs. Le gaz est finalement apparu comme le combustible de choix des investisseurs dans le marché libéralisé de l'électricité, mais son utilisation a augmenté les importations. L'énergie nucléaire, dont certains mettent en cause le bilan environnemental malgré son caractère décarboné, cristallise encore des oppositions fortes en Europe.
Un des enjeux clés dans cette équation complexe est le prix de l'énergie. Le niveau actuel de ce prix oblige l'Union à résoudre cette quadrature du cercle, et ramène la question énergétique au centre du projet européen, à la fois dans sa dimension économique et dans sa dimension géopolitique. Les réunions du Conseil européen et du Conseil de l'Union européenne ainsi que les réunions informelles consacrées à l'énergie se succèdent ces derniers mois à un rythme soutenu. La Commission a ainsi été invitée par les États membres à travailler sur le sujet, et doit poursuivre sa réflexion sur des mécanismes de réduction des prix des énergies à court et moyen terme. Elle devrait présenter une nouvelle proposition législative sur le plafonnement des prix du gaz tout prochainement.
C'est ce contexte sensible qui a conduit les commissions des affaires européennes et des affaires économiques à organiser cette table ronde sur les enjeux stratégiques de l'énergie pour l'Union européenne, suivant le débat au titre de l'article 50-1 tenu hier soir en séance sur la politique énergétique de la France. Je remercie les intervenants qui ont bien voulu se rendre disponibles pour y participer.
Selon vous, comment la crise de l'énergie met-elle à l'épreuve l'Union européenne ? Quelles sont les causes de la crise et les voies de sortie à court et moyen termes ?