Intervention de Thomas Pellerin-Carlin

Commission des affaires européennes — Réunion du 13 octobre 2022 à 9h00
L'énergie : des enjeux stratégiques pour l'union européenne — Audition de Mm. Marc-Antoine Eyl-mazzega directeur du centre énergie et climat de l'institut français des relations internationales ifri thomas pellerin-carlin directeur du programme europe de l'institut de l'économie pour le climat i4ce mmes maría eugenia sanin maître de conférences en sciences économiques à université d'évry-val d'essonne et tatiana marquez uriarte membre du cabinet de la commissaire européenne à l'énergie

Thomas Pellerin-Carlin, directeur du programme Europe de l'Institut économique pour le climat (I4CE) :

Les prix de l'électricité sont anormalement élevés du fait, principalement, de la hausse des prix du gaz : les prix sont corrélés dès que le gaz est nécessaire pour la production électrique. La demande d'électricité demeure très forte. Il n'y pas eu de mobilisation européenne pour baisser les prix de l'électricité, à l'image de celle du Japon de l'après-Fukushima, où ils ont été immédiatement abaissés de 15 %. Les risques de pénurie concernent surtout le mois de décembre 2022, et dépendront du redémarrage de réacteurs nucléaires. Quoi qu'il en soit, les prix de l'électricité demeureront élevés sur deux à quatre ans.

Nous payons le prix de notre procrastination et de notre sous-investissement dans l'efficacité énergétique et dans les énergies renouvelables. Concernant la rénovation des bâtiments, si la France avait mis en oeuvre le plan adopté en 2008 lors du Grenelle de l'environnement, elle serait indépendante du gaz russe ! La production d'énergie renouvelable est insuffisante dans le secteur électrique : avec davantage d'éolien et de solaire, les prix de l'électricité seraient plus bas.

La première leçon à tirer de la crise actuelle - la septième ou huitième depuis le premier choc pétrolier - est que nous ne pouvons pas nous payer le luxe de rester dépendants aux énergies fossiles. Ne serait-ce que d'un point de vue strictement économique, le coût réel est non pas celui de la transition, mais celui de la non-transition. Une telle dépendance aux importations d'énergie fossile coûte extrêmement cher ; nous sommes victimes d'un choc inflationniste. Cela crée des dépendances géopolitiques importantes : Russie, États-Unis... D'autres coûts proviennent du dérèglement du climat : il est probable que 50 000 Européens sont morts cet été du fait des vagues de chaleur, les forêts brûlent, la sécheresse perturbe les chaînes de valeur industrielle et agricole... La crise actuelle peut tout à faire durer cinq ou dix ans, voire plus.

Le premier ministre belge, Alexander De Croo, a indiqué qu'il fallait se préparer à cinq à dix hivers difficiles. La réponse politique des élus de la nation, que vous êtes, doit partir de ce diagnostic raisonnable. Nous sommes dans une crise de moyen terme. La réponse nécessite des investissements massifs tant dans la sobriété énergétique, notamment de la part des collectivités territoriales, que dans l'efficacité énergétique, et dans toutes les énergies renouvelables sans exception. Il faut les planifier, en articulant le niveau européen, national et les collectivités territoriales, en lien avec les entreprises. Pour sortir de cette crise, il faut sortir des énergies fossiles.

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