Intervention de Cécile Gallez

Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé — Réunion du 6 juillet 2005 : 1ère réunion
Maladie d'alzheimer et maladies apparentées — Examen du rapport

Cécile Gallez, députée, rapporteure :

L'Office parlementaire a procédé à l'examen du rapport de Mme Cécile Gallez, députée, sur la maladie d'Alzheimer et les maladies apparentées.

de l'étude sur la maladie d'Alzheimer et les maladies apparentées, a tout d'abord rappelé que les membres de l'OPEPS étudient chaque année deux problèmes de santé importants pour l'avenir de la population et le financement de la sécurité sociale. Cette année, outre le présent rapport, les membres de l'office ont souhaité approfondir la question de l'obésité, M. Gérard Dériot, sénateur, ayant été désigné rapporteur de l'étude sur la nutrition et la prévention de l'obésité. Puis elle a remercié le professeur Jean-François Dartigues et ses collaborateurs pour leur excellent rapport complet, simple et précis, qui sera très utile, notamment pour les projections dans le temps du coût de cette maladie, dont le nombre de cas augmente chaque année de manière inquiétante.

En effet, la maladie d'Alzheimer et les syndromes apparentés touchent actuellement environ 855.000 personnes, et l'on estime à plus de 225.000 le nombre de nouveaux cas chaque année, les femmes étant plus concernées que les hommes. Elle est caractérisée par une détérioration progressive des fonctions cognitives liée à la dégénérescence des neurones et à l'accumulation progressive de plaques séniles ou amyloïdes entre les neurones. Il n'existe pas aujourd'hui de traitement curatif, mais des médicaments, comme les inhibiteurs de l'acéthylcholinestérase (IAC) et la mémantine, qui peuvent ralentir l'évolution de la maladie, à condition de les administrer précocement.

Malheureusement le diagnostic est souvent tardif, et ce pour diverses raisons : la peur du diagnostic, la solitude des malades - l'absence de proche ou d'informant fiable lors de la consultation empêche l'établissement d'un diagnostic dans de bonnes conditions - et surtout le manque de temps et de formation des médecins, en particulier des généralistes.

Il y a donc trois enjeux essentiels : faciliter le diagnostic précoce, aider davantage les familles des malades et encourager le développement de la recherche.

L'établissement d'un diagnostic précoce nécessite au préalable d'engager une vaste campagne d'information du grand public tant pour dédramatiser la maladie, comme ce fut le cas pour le cancer, que pour mieux détecter les premiers signes de la maladie et encourager les familles à consulter. Il est par ailleurs indispensable d'améliorer la formation des professionnels de santé, en commençant par le médecin généraliste, le plus à même de repérer les premiers symptômes et d'orienter éventuellement le patient vers une filière de soins adaptée.

Il faudrait également développer les structures chargées du dépistage, en particulier les consultations mémoire de proximité (CMP) et les centres mémoire de ressources et de recherche (CMRR), que ce soit en milieu hospitalier ou en clinique. Il faut saluer à ce sujet le travail qui se fait à la « Clinique de la mémoire », en secteur privé, créée à Paris par le professeur Jérôme Blin et qui mériterait d'être soutenu. On ne peut dès lors que se réjouir de l'engagement pris par M. Philippe Douste-Blazy, alors ministre des solidarités, de la santé et de la famille, de créer cent nouvelles structures d'ici à 2007, dotées d'un budget de 15 millions d'euros.

La maladie d'Alzheimer est bien évidemment une maladie pénible pour la personne atteinte, avant qu'elle ne prenne conscience de son état, mais elle est aussi extrêmement difficile à vivre pour son entourage qu'il faut par conséquent aider, tout en tenant compte des situations très différentes d'un malade à un autre.

Cette aide peut revêtir plusieurs formes. En premier lieu, un soutien psychologique aux proches doit être mis en place et ce, dès l'annonce du diagnostic. La formation des aidants, professionnels ou familiaux, doit être améliorée, dans la mesure où cette maladie nécessite des soins et des compétences spécifiques, en particulier pour les soins infirmiers, car le simple fait de saisir les mains du malade peut être considéré par lui comme une agression. Par exemple, le coût d'une session de formation consacrée à l'accompagnement des démences séniles de type Alzheimer s'élève à 720 euros pour cinq jours. Pour permettre à la famille de « souffler » un peu et favoriser ainsi le maintien à domicile du patient qui, sinon, devrait être hospitalisé, il est essentiel de développer les structures d'accueil temporaire, à la journée, à la semaine ou plus longtemps. Des chambres ou des unités spécifiques peuvent être créées dans les établissements d'hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD). A titre d'exemple, dans le Valenciennois, le tarif moyen d'un accueil de jour, sur la base de cinq résidents, est de 47,53 euros par jour, de 41,73 euros pour l'accueil de nuit et de 33,54 euros pour une place d'hébergement temporaire. Enfin, il faut davantage aider financièrement les familles à travers l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), puisqu'aujourd'hui près de 55 % du coût total restent à leur charge, essentiellement au titre des dépenses médico-sociales.

Parallèlement, il est important de soutenir la proposition des auteurs de l'étude sur l'identification d'un correspondant unique, ou « case manager », qui serait responsable de la prise en charge globale d'un patient face aux différents intervenants. Il pourrait par exemple s'agir de l'infirmière coordinatrice des soins à domicile, qui recevrait une formation spécifique et conclurait un contrat avec l'entourage du patient. Cette globalisation de la prise en charge permet en outre une reconnaissance de la spécificité de chaque malade.

A partir de l'expérimentation actuelle de mise en place d'une infirmière coordinatrice par le réseau mémoire du Nord-Pas-de-Calais, il serait intéressant de dresser un profil du poste : il comporterait une mission de coordination (bilan avec l'hôpital, conseil aux familles, gestion des aides, suivi du patient dans les différents hébergements temporaires ou de longs séjours, lien avec les différentes structures, etc.) et une mission de soins qui, outre l'accès aux soins précoces, porterait sur l'accueil et le soutien des familles et la gestion des urgences médicales et sociales. Ces tâches exigent naturellement des compétences professionnelles et relationnelles précises. Cette expérimentation est donc particulièrement intéressante à suivre et à développer.

Il faut enfin encourager la recherche. Même si les causes de la maladie d'Alzheimer sont peu connues, il existe des pistes de prévention, qui relèvent pour certaines de l'empirisme et du bon sens, mais que l'on pourrait mettre en oeuvre dans le cadre d'une large politique de prévention. Stimuler les activités cognitives, encourager la marche à pied, adopter un régime alimentaire varié ou encore lutter contre l'isolement des personnes âgées et surtout contre les facteurs de risques cardiovasculaires, en particulier l'hypertension artérielle ou le diabète, pourrait en effet contribuer à prévenir ou à ralentir l'évolution de la maladie. Par ailleurs, il est urgent de renforcer la recherche, tant clinique que fondamentale car les chercheurs de l'Institut de santé publique, d'épidémiologie et de développement (ISPED) qui ont fait un travail remarquable, ont besoin d'être soutenus pour poursuivre leurs recherches sur une maladie qui pourrait concerner environ 1,3 million de personnes en France en 2020.

Comme les membres de l'office en ont exprimé le souhait, les auteurs de l'étude ont approfondi la question des perspectives de traitements visant à agir sur les causes de la maladie. Les chercheurs soulignent ainsi les résultats encourageants d'une première expérience de vaccin thérapeutique afin d'éliminer les plaques amyloïdes. Ces recherches ont toutefois dû être interrompues, à la suite du décès de quelques patients par encéphalite, lié à des réactions auto-allergiques. Cette immunisation a toutefois été efficace pour éliminer les dépôts amyloïdes. De nouvelles stratégies dans cette même voie sont actuellement en cours d'étude afin de remédier à ces insuffisances, en assurant notamment l'immunisation passive du patient. S'agissant des thérapeutiques « neuroprotectrices », c'est-à-dire visant à détruire la dégénérescence des neurones, la recherche fondamentale cherche à élucider les étapes qui conduisent à la mort cellulaire. Certaines de ces étapes sont communes à d'autres maladies neurodégénératives, ne s'exprimant d'ailleurs pas nécessairement par des démences de premier plan. Les stratégies pharmacologiques qui en découlent peuvent donc avoir potentiellement des retombées thérapeutiques très importantes.

Contrairement au cancer ou au sida, les auteurs de l'étude soulignent que la recherche est très en retard en matière de vieillissement cérébral. Il est donc proposé d'engager un programme ambitieux de recherche à travers le lancement d'un appel d'offres en 2006, qui serait cofinancé par l'Agence nationale de la recherche (ANR), la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et l'assurance maladie.

Le rôle des parlementaires, face à ce fléau qu'est la maladie d'Alzheimer, est notamment de veiller à ce que, d'ici à 2007, les crédits du « plan Alzheimer » soient effectivement mis en place et que les échéances fixées pour les différentes mesures soient respectées tant dans le cadre de la loi de finances pour 2006 que du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Un débat a suivi l'exposé de la rapporteure.

Après avoir rappelé qu'elle avait attiré l'attention des membres de l'office sur cette question importante lors de la définition des sujets d'étude de l'OPEPS pour 2005, le président Jean-Michel Dubernard, député, a félicité la rapporteure pour sa présentation synthétique, qui met bien en perspective les différentes actions à mener et les objectifs que doit se donner le Parlement s'agissant d'un problème tant médical que social.

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