Intervention de Renaud Muselier

Réunion du 3 février 2005 à 9h30
Conventions d'entraide judiciaire et en matière d'extradition avec l'inde — Adoption de deux projets de loi

Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, désireuses de se doter des instruments conventionnels indispensables pour mettre leur coopération judiciaire à la hauteur du dialogue politique approfondi noué ces dernières années entre les deux pays, la France et l'Inde ont signé une convention bilatérale d'entraide judiciaire en matière pénale, assortie d'un avenant, et une convention d'extradition.

La convention bilatérale d'entraide judiciaire en matière pénale a été signée le 25 janvier 1998, à New-Delhi, dans le cadre d'une visite en Inde du Chef de l'Etat. Pour corriger une erreur matérielle rendant inapplicable son article 21, les deux parties sont convenues d'un avenant sous forme d'échange de lettres qui ont été signées le 20 novembre 2002 et le 14 janvier 2003.

Cette convention reprend, dans ses vingt-cinq articles, tous les aspects de l'entraide de la convention du Conseil de l'Europe d'entraide pénale du 20 avril 1959.

Les parties s'engagent à s'accorder l'entraide la plus large possible. Son domaine est expressément étendu à la poursuite des infractions fiscales, douanières et en matière de change.

Le principe général ainsi posé comporte cependant des limites. Ainsi, de façon classique dans ce type d'instrument, sont exclues du champ d'application de l'entraide l'exécution des décisions d'arrestation et de condamnation, qui relèvent habituellement du domaine de l'extradition, et les infractions militaires, dès lors qu'elles ne constituent pas des infractions de droit commun. L'Etat requis dispose de la faculté de refuser l'entraide s'il estime que les infractions motivant la demande sont de nature politique, ou lorsque la demande est susceptible de porter atteinte à sa souveraineté, à sa sécurité, à son ordre public ou à d'autres intérêts essentiels.

La convention prévoit que les parties peuvent s'accorder l'entraide judiciaire en matière pénale sur la base d'autres traités, conventions, arrangements ou pratiques auxquels elles pourraient être parties, notamment les textes visant à la lutte contre le terrorisme, le blanchiment ou le trafic de stupéfiants.

La confidentialité des échanges est particulièrement protégée. La partie requérante est liée par le principe de spécialité qui interdit que les éléments d'information ou de preuve fournis dans le cadre de l'entraide soient utilisés à d'autres fins que celles qui sont stipulées dans la demande.

Pour le reste, la convention précise, comme à l'accoutumée, les conditions de forme et les procédures de transmission des demandes qui devront être respectées. Elle prévoit notamment, pour faciliter la coopération entre les autorités judiciaires des deux pays, que les demandes sont transmises et reçues directement par les autorités centrales qu'elle désigne, à savoir, pour la France, le ministère de la justice, et, pour l'Inde, le ministère des affaires intérieures.

L'article 21 de la convention comportait une erreur de rédaction qui le rendait inapplicable. Un avenant, annexé à la présente convention, a été conclu sous forme d'échange de lettres signées le 20 novembre 2002 et le 14 janvier 2003 pour rectifier cette erreur. Il autorise le transit sur le territoire d'une partie d'une personne détenue dans un Etat tiers et appelée à témoigner devant les autorités de l'autre partie. Sauf avis contraire de l'Etat tiers, la personne est maintenue en détention. Le transit peut être refusé si la personne en cause est ressortissante de l'Etat de transit.

Une convention bilatérale franco-indienne en matière d'extradition est également soumise à votre approbation.

Signée le 24 janvier 2003 à l'occasion de la visite en France du Vice-premier ministre indien, cette convention est conforme aux principes du droit français de l'extradition, tels qu'ils résultent de la loi du 10 mars 1927. Elle s'inspire, par ailleurs, largement de la convention du Conseil de l'Europe du 13 décembre 1957.

Les deux parties s'engagent à se livrer les personnes présentes sur le territoire de l'une d'entre elles et poursuivies ou recherchées aux fins d'exécution d'une peine d'emprisonnement par la justice de l'autre Etat. Pour éviter de mettre en oeuvre la procédure lourde et coûteuse de l'extradition alors que l'enjeu ne le justifierait pas, les parties sont convenues que la peine encourue par la personne réclamée devait être de deux ans au moins.

Dans le respect de notre droit interne, les parties n'accordent pas l'extradition de leurs nationaux, mais ceux-ci devront être traduits devant les tribunaux de l'Etat dont ils sont ressortissants dès lors que l'autre partie en fait la demande.

L'extradition est également refusée lorsque l'infraction motivant la demande est considérée par la partie requise comme une infraction politique ou lorsqu'il existe des raisons de penser que la demande est motivée par des considérations de race, de religion, de nationalité ou d'opinions politiques.

Pour répondre aux préoccupations de la partie indienne, ce dernier principe a été aménagé, et il a été convenu de reprendre, dans cette convention bilatérale, les dispositions des articles 2 et 13 de la convention du Conseil de l'Europe pour la répression du terrorisme du 27 janvier 1977.

Ainsi, l'Etat requis peut ne pas considérer comme infraction politique, indépendamment de ses motivations, tout acte grave de violence dirigé contre la vie, l'intégrité corporelle ou la liberté des personnes, ou encore contre les biens s'il a créé un danger collectif pour les personnes.

Dès lors que la peine capitale est encourue, l'extradition n'est accordée qu'à la condition que la partie requérante donne des assurances suffisantes que la peine de mort ne sera pas prononcée ou, si elle devait l'être, qu'elle ne sera pas exécutée. Une disposition similaire figure dans le traité d'extradition conclu avec les Etats-Unis.

En application du principe « non bis in idem », ne sont pas non plus extradées les personnes déjà jugées pour les mêmes faits que ceux qui motivent la demande ou qui peuvent se prévaloir de la prescription ou d'une mesure d'amnistie.

Enfin, les personnes extradées ne peuvent être poursuivies pour des faits autres que ceux ayant motivé l'extradition, à moins que la partie requise n'y consente. L'entrée en vigueur de ces deux conventions doit donc permettre aux deux Etats d'approfondir leur coopération judiciaire, qui devrait prochainement être étendue encore par la conclusion d'une convention sur le transfèrement des personnes condamnées.

Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appellent, d'une part, la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l'Inde signée à New Delhi le 25 janvier 1998, ensemble un avenant sous forme d'échange de lettres, et, d'autre part, la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l'Inde en matière d'extradition signée à Paris le 24 janvier 2003, qui font l'objet des projets de loi qui sont aujourd'hui soumis à votre approbation.

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