Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les relations franco-indiennes, traditionnellement bonnes, se sont renforcées et approfondies depuis la visite d'Etat du président de la République en Inde en 1998. La récente visite du ministre français des affaires étrangères, en octobre dernier, a permis de confirmer la place qu'occupe désormais ce pays dans nos priorités diplomatiques.
Les deux projets de loi dont nous sommes aujourd'hui saisis avec, d'une part, une convention d'entraide judiciaire en matière pénale, signée à New Delhi le 25 janvier 1998, lors de la visite présidentielle, et, d'autre part, une convention en matière d'extradition, signée à Paris le 24 janvier 2003, attestent de la nécessité de renforcer les échanges entre nos deux pays, afin d'améliorer la connaissance de nos systèmes juridiques respectifs.
La convention d'entraide judiciaire en matière pénale s'inspire largement de la convention type du Conseil de l'Europe du 20 avril 1959. Les deux parties s'engagent à s'accorder l'entraide judiciaire la plus large possible en ce qui concerne les enquêtes et les poursuites d'infractions pénales relevant de la juridiction de la partie requérante et dans les procédures y afférentes à la date de la demande d'entraide.
Sont également couvertes par le présent accord les infractions de nature fiscale, douanière ou relatives au contrôle des changes. Les diverses formes de l'entraide sont expressément énumérées. La présente convention ne s'applique pas à l'exécution des décisions d'arrestation et de condamnation, sauf s'il s'agit d'une confiscation, ni aux infractions militaires, qui ne sont pas des infractions de droit commun. Le principe de la double incrimination est écarté.
La demande d'entraide peut être refusée ou différée non seulement lorsque son exécution est de nature à porter atteinte à la souveraineté de l'Etat requis, à sa sécurité ou encore à son ordre public, mais également lorsque l'infraction est de nature politique, hormis les actes de terrorisme. En effet, pour tenir compte des préoccupations indiennes en matière de terrorisme, la possibilité de refuser l'entraide au motif que celle-ci se rapporterait à une infraction politique est limitée s'il y a eu « infraction grave à l'encontre de la vie, de l'intégrité physique ou de la liberté des personnes ».
La seconde convention, qui s'inspire de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957, est conforme aux principes du droit français de l'extradition, tels qu'ils résultent de la loi du 10 mars 1927.
Aux termes de l'article 1er, les deux parties s'engagent à se livrer les personnes poursuivies, ou recherchées, aux fins d'exécution d'une peine d'emprisonnement, par les autorités « compétentes ».
L'article 2 pose le principe de la double incrimination et détermine le champ d'application de la présente convention en fonction de la peine encourue. Quant à l'article 16, il pose le principe, fondamental en matière d'extradition, de la spécialité des poursuites.
Les articles 3 à 8 portent sur les motifs de refus, obligatoires ou facultatifs, de l'extradition. Les infractions politiques et les faits connexes à de telles infractions ne peuvent donner lieu à extradition. Toutefois, également pour répondre à la demande de la partie indienne, qui subit des actions terroristes sur son territoire, ce principe ne doit pas faire obstacle à la répression d'une infraction lorsque les auteurs, complices ou co-auteurs de celle-ci ont utilisé des moyens particulièrement odieux. Ainsi, tout acte de violence dirigé contre la vie, l'intégrité corporelle ou la liberté des personnes, ou encore contre les biens s'il a créé un danger collectif pour les personnes, peut ne pas être considéré comme infraction politique.
L'extradition n'est pas non plus accordée si l'Etat requis dispose d'éléments tendant à montrer que la demande est motivée par des considérations liées à la race, à la religion, à la nationalité ou aux opinions politiques de la personne réclamée. Les infractions militaires qui ne constituent pas des infractions de droit commun sont également exclues du champ d'application de la présente convention. Les nationaux échappent, eux aussi, à l'extradition.
L'article 7 énumère les motifs facultatifs de refus de l'extradition. D'une façon classique dans les conventions conclues par la France avec les Etats qui n'ont pas aboli la peine de mort, l'extradition peut être refusée si la personne réclamée encourt la peine capitale. Cette extradition ne sera éventuellement accordée que si l'Etat requérant donne des assurances jugées suffisantes que la peine capitale ne sera pas requise, ou si elle l'est, qu'elle ne sera pas appliquée.
Sur ce dernier point, il faut signaler que certains Etats indiens appliquent la peine capitale, mais tous les recours en grâce adressés au chef de l'Etat ont abouti durant cette période.
J'évoquerai brièvement la coopération judiciaire entre les deux pays.
Entre 1999 et 2003, la France a transmis à l'Inde cinq commissions rogatoires internationales dans le cadre de procédures ouvertes pour viol, meurtre ou encore trafic de stupéfiants. Aucune n'a été exécutée sans qu'aucune explication n'ait été fournie sur le refus de coopérer.
Sur la même période, l'Inde a adressé à la France sept commissions rogatoires dont deux ont pu être exécutées.
Je crois que ces chiffres illustrent bien la nécessité de renforcer la coopération judiciaire entre la France et l'Inde dont le mauvais fonctionnement s'explique principalement par la méconnaissance réciproque.
Par conséquent, je vous recommande, mes chers collègues, d'adopter ces deux textes, que l'Inde n'a certes pas encore ratifiés ; mais l'autorisation du Parlement indien n'étant pas nécessaire, la ratification devrait intervenir rapidement.