Intervention de Philippe Dominati

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 19 juin 2012 : 1ère réunion
Audition de Mm. Yannick Noah joueur de tennis et chanteur et guy forget joueur de tennis

Photo de Philippe DominatiPhilippe Dominati, président :

Je compléterai l'interrogation de mon collègue, car je me pose, moi aussi, des questions.

Nous avons interrogé les gens du football. Actuellement, se déroule l'Eurofoot ; cinq grands pays y participent : l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, l'Angleterre, la France, à qui nous souhaitons, nous aussi, un grand succès dans ce sport collectif. Il y a d'autres équipes engagées, à l'instar des Pays-Bas, mais, de ces cinq grandes équipes, celle de la France est la seule dont la majorité des joueurs qui la composent, parfois les deux tiers, doivent faire leur métier à l'étranger.

Je ne pense effectivement pas que quelqu'un désireux de faire carrière dans le sport le plus populaire du monde ait, entre 18 et 25 ans, l'exil fiscal comme principale préoccupation. Mais le constat est là, et il vaut aussi pour nos artistes, nos acteurs de cinéma, nos chanteurs, nos pilotes de formule 1. C'est pourquoi nous en sommes venus à vous convoquer, à vous demander de témoigner et de participer à nos travaux.

Il y a, c'est vrai, une certaine incompréhension. Vous avez eu cette phrase : « Je suis parti, j'avais peur, je voulais faire des économies ». Je le comprends très bien, car, voilà vingt ans, le contexte était différent. C'est la logique même. En même temps, vous soulignez le fait que vous avez eu une carrière courte.

Généralement, dans tous les métiers, sauf dans le vôtre, là où s'exprime un talent particulier, les personnes ne restent pas dix ans dans la tranche des hauts revenus. La plupart du temps, dans le monde des affaires, cela se passe en fin de carrière, les dernières années : on est rarement PDG de 25 à 65 ans ! On ne commence à percevoir des hauts revenus qu'à partir de 55 ans. Autrement dit, c'est une carrière courte, mais à l'envers. Voilà ce qui se passe pour de nombreux contribuables.

Vous avez mis l'accent sur le fait d'avoir une carrière courte et d'être, très jeune, face à des responsabilités sans savoir comment faire. Il est tout de même malheureux pour un pays que certains de ses concitoyens soient obligés de partir trois ans à l'étranger par nécessité de faire des économies, par angoisse de l'avenir. Vous avez évoqué à plusieurs reprises la nécessité d'optimiser, de faire des économies, conjuguée à une angoisse réelle, soulignant que vous avez pu revenir une fois l'optimisation effectuée. C'est une situation curieuse. Aux générations qui vous succèdent vous pourriez expliquer la nécessité de changer nos règles pour nous rapprocher des Allemands, des Anglais, des Espagnols, des Italiens.

Votre attitude est bizarre. Le propos que vous avez tenu tout à l'heure m'a étonné, pour ne pas dire choqué. Je comprends peut-être beaucoup de choses, mais, là, non. Vous nous avez dit en substance : « Je ne conseillerais pas à mon fils de venir payer 75 % d'impôts en France ; ce serait aberrant pour lui qui vit aux États-Unis, mais pas pour moi. Je suis en France. De toute façon, ma carrière est derrière moi ; je suis parti au moment où il le fallait ; mon public est français, alors je veux bien payer mes impôts en France, même à 75 % ». Tenir un tel discours, ce n'est pas faire preuve d'exemplarité !

Pour ma part, je suis plutôt partisan de laisser les talents s'exprimer. Je le dis tout à fait franchement, je trouve tout à fait anormal que, dès que quelqu'un réussit dans le cinéma, la science ou un autre domaine, il soit obligé de partir. Vous qui êtes parti puis revenu, expliquez-nous pourquoi. Je comprends l'interrogation de mon collègue Louis Duvernois.

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