Je reprendrai les trois questions que vous avez posées : notre système est-il durable, justifiable et adaptable ?
S'agissant de la durabilité, nous avons identifié plusieurs risques susceptibles de mettre à mal le système. Le premier est le ralentissement de la croissance, dont dépend son financement. Notre modèle de protection sociale est très ancré dans le productionnisme de l'après-guerre. Il répare plus qu'il ne prévient des risques liés au modèle productiviste, comme le chômage, l'exclusion et les maladies professionnelles.
Ce risque sera de plus en plus important, notamment au regard de l'exigence de sobriété liée aux bouleversements environnementaux. La transition demandera des prélèvements supplémentaires, et il faudra accepter que la consommation, publique ou privée, soit moindre. C'est un risque très fort pour ce qui concerne le consentement à la solidarité et, donc, à la protection sociale.
Notre système est-il justifiable ? Comment adapter notre système à la transition, en faisant en sorte que cette adaptation soit acceptée ? C'est l'une des grandes questions auxquelles notre travail tente de répondre. Selon nous, il convient d'associer deux acteurs majeurs : les territoires et les associations d'usagers.
Les territoires peuvent être de véritables relais démocratiques. Il convient donc de les prendre mieux en compte dans la fabrique de nos politiques sociales. Je pense notamment à la Mutualité sociale agricole (MSA), qui, tout en participant aux concertations nationales, fait un vrai effort sur le terrain pour faire de la prévention et de la gestion de cas individuels.
Quant aux associations d'usagers, elles permettent une véritable écoute démocratique. À cet égard, je pense à ce qu'a fait la ville de Grenoble.
Notre système est-il adaptable ? À nos yeux, la vraie question est la suivante : que souhaitons-nous socialiser et que souhaitons-nous privatiser ? Quelle part de commun voulons-nous mettre dans notre système de protection sociale ? Ne vaut-il pas mieux intégrer des critères environnementaux plutôt que d'étendre le champ de la sécurité sociale en y ajoutant une branche supplémentaire, ce qui soulèverait des questions démocratiques, mais aussi économiques en matière de financement ?
À nos yeux, il s'agirait de promouvoir des services plutôt que des prestations monétaires, dans la mesure où la demande de services publics est très forte. En outre, il est plus facile d'introduire une dimension environnementale dans un service plutôt que dans une prestation monétaire.