Merci de votre invitation. Le parquet de Paris a une organisation particulière, compte tenu de sa taille ; aussi ce que je vous dirai n'est pas forcément vrai pour d'autres parquets. La section des mineurs est composée de dix magistrats et de trente greffiers et fonctionnaires. Nous travaillons en autonomie ; c'est nécessaire pour traiter en temps réel la délinquance des mineurs. Le procureur des mineurs a une double casquette : il a un rôle en matière pénale, mais aussi en matière d'assistance éducative. Un mineur auteur est par définition en fragilité, victime de son environnement. Nous sommes présents non seulement au début de la chaine pénale, mais tout au long de son déroulement. Nous décidons s'il y a lieu de saisir le juge des enfants ou le juge d'instruction s'il s'agit d'un crime. Le principe est de préférer l'éducatif avant tout, et, si cela ne fonctionne pas, de passer au répressif.
Le ressort parisien a enregistré 18 000 nouvelles affaires en 2017, 14 000 au pénal et 4 000 au civil ; mais ces chiffres doivent être interprétés avec précaution, car une affaire au pénal s'accompagne souvent d'une mesure civile.
Vous voulez en savoir plus sur la réinsertion des mineurs enfermés. L'enfermement recouvre pour vous trois situations : l'incarcération, le centre éducatif fermé (CEF) et la psychiatrie. Nous sommes confrontés, comme sur tout le territoire national, à une pénurie de places en psychiatrie, ce qui a un impact sur les autres structures.
Vous me posez la question des indicateurs - c'est une question pertinente. La Justice est assez mauvaise dans ce domaine. Au sein de la section, nous avons développé un outil spécifique, car le logiciel Cassiopée ne permet pas de répondre à une question précise, comme le nombre de réquisitions sur les mineurs en une semaine par exemple. Je ne suis pas en mesure de vous donner le nombre de mineurs incarcérés de mon ressort en ce moment - ces chiffres sont tenus par la direction territoriale de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Je connais en revanche le nombre de réquisitions prononcées en 2017.
Nous traitons plus de 7 500 gardes à vues par an ; plus de 3 300 mineurs concernés ont été déférés ; nous avons requis 230 incarcérations, 55 contrôles judiciaires en CEF, 316 contrôles judiciaires simples et 116 mesures de liberté surveillée préjudicielle. Ce dernier régime consiste en la contrainte d'être suivi par un éducateur de la PJJ, qui peut proposer des mesures de réparation, des activités, sans que le non-respect en soit sanctionné - contrairement au contrôle judiciaire - mais qui fera l'objet d'une évaluation jusqu'à l'audience, permettant de faire le bilan de l'adhésion du jeune lors de celle-ci.
Nous disposons d'indicateurs sur les catégories d'âge. Il y a des seuils légaux qui nous imposent d'autant plus de mesures éducatives que les mineurs sont jeunes. Nous avons requis 55 détentions provisoires de jeunes de moins de seize ans, dont cinq d'un âge déclaré de moins de treize ans - mais dont il était raisonnable de penser qu'ils étaient bien plus âgés. Sur les 230 réquisitions d'incarcérations, 175 concernaient des mineurs de plus de seize ans. Pour connaitre le nombre de mineurs condamnés, il faudrait interroger les juridictions du siège.
La PJJ, les maisons d'arrêt et les établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM) nous communiquent régulièrement les chiffres de leur population carcérale : nous savons ainsi s'ils font face à une surpopulation. Cela ne modifie pas nécessairement nos réquisitions : la politique pénale dépend de la personnalité du mineur et de la gravité des faits commis. L'année 2018 est marquée par la surpopulation. Nous essayons d'être systématiquement présents en commission d'incarcération des mineurs de Fleury-Mérogis, car le tribunal de Paris est le principal pourvoyeur en détenus mineurs. Cette maison d'arrêt nous demande parfois des transfèrements pour éviter la surpopulation.
Le parquet n'a pas de légitimité à se prononcer sur le choix de l'établissement ; le juge des libertés et de la détention choisit seul. Nous lui donnons parfois des indications liées au dossier, comme la nécessité de ne pas mettre plusieurs mis en cause dans une même maison d'arrêt s'il faut éviter des pressions. L'âge est très important ; cela répond à l'une de vos questions : plus les mineurs sont jeunes, plus nous préférons un établissement pénitentiaire pour mineurs comme Porcheville, où la politique de réinsertion est forcément plus efficace, au vu du plus faible nombre de détenus.
Quel est le profil des mineurs déférés ? Nous en déférons 3 300 à l'année, soit en moyenne vingt par jour. Ce chiffre est plus élevé que dans le reste de l'Île de France.