Oui, ce chiffre a augmenté de 20 % depuis 2016. Le flux migratoire et les mineurs non accompagnés (MNA) sont notamment en cause.
Établir un profil est difficile : tous les mineurs sont concernés. Nous définissons une politique pénale en fonction de la gravité des faits, de la présence d'une atteinte aux personnes, de l'adhésion du mineur aux mesures éducatives. Il faut se protéger de la tentation de définir des profils - ce n'est pas dans l'ADN de la justice des mineurs.
Évidemment, on peut identifier des thématiques, par ressort et par année. Sur la période 2016-2018, il y a eu, par exemple, quatre décès de très jeunes mineurs de moins de seize ans dans les rues parisiennes tués d'un coup de couteau. Cela nous a conduit à être plus vigilants sur certains faits et à déférer automatiquement les mineurs porteurs d'un couteau et appartenant à une bande.
Le défèrement répond à la volonté d'apporter une réponse immédiate à certains faits. L'ordonnance de 1945 est bien faite, il ne s'agit pas forcément de sanctionner mais de prendre en charge. L'éducateur est présent, et nous pouvons, à la faveur du recel d'un Vélib par exemple, identifier une situation dramatique pour le mineur. En revanche, si nous pouvons attendre, par exemple si un cadre parental ou autre le permet, nous ne déférerons pas et le mineur attendra l'audience.
Les MNA représentent 70 % de mon activité au pénal - c'est énorme ! Il y a dix ans, nous les appelions des mineurs isolés étrangers, mais ils n'étaient pas vraiment isolés : Bosniens ou Roumains, ils étaient victimes de la traite des êtres humains, et incités par des clans de mafieux à commettre des délits. Aujourd'hui, la plupart déclarent une nationalité du Maghreb. Nous sommes confrontés en particulier au problème des mineurs marocains dits « de la Goutte d'Or », qui sont une trentaine, âgés de dix à douze ans. Nous travaillons avec les autorités marocaines, mais il est difficile de trouver une solution.
Nos réquisitions d'incarcération ab initio, sans mesures éducatives antérieures, sont limitées aux crimes, par exemple pour le meurtre à coups de couteau survenu récemment dans le XIe arrondissement de Paris, où la victime avait quinze ans et l'auteur treize ans. Mais c'est très limité et réservé aux faits les plus graves, pour lesquels la préoccupation de l'ordre public l'emporte. Le plus souvent, l'ensemble des intervenants de la chaîne pénale, y compris l'éducateur de la PJJ, soutient la mesure d'incarcération.
Pour le reste des cas, nous tentons la liberté surveillée préjudicielle ; si cela ne fonctionne pas, nous passons au contrôle judiciaire ; s'il n'est pas respecté, nous demandons un placement en CEF ; si cela ne fonctionne pas, nous pouvons demander l'incarcération. Nous ajustons cette logique à chaque cas d'espèce.
La création des EPM a-t-elle été un progrès par rapport aux quartiers pour mineurs ? Oui, évidemment : ils permettent une concentration de moyens et de personnels spécialisés. Mais il ne faut pas dénigrer l'action conduite dans les quartiers pour mineurs. Il n'est pas idéal de mélanger des adultes et des mineurs. Le seul problème que pose l'EPM est son éloignement par rapport au domicile des familles. Il peut être compliqué de s'y rendre pour les familles.