Votre première question sur les moyens est extrêmement ambitieuse et je tenterai d'y répondre par un exemple, en attendant de vous remettre un écrit. En Seine-Saint-Denis, une mesure décidée par le juge des enfants va être mise en oeuvre dans un délai d'environ dix-huit mois. Dix-huit mois, c'est très long à l'échelle de la vie d'un adolescent ! Nous autres magistrats, une fois le jugement prononcé, prenons soin de recevoir les parents dans les cinq jours, comme le législateur l'a prévu, et nous leur recommandons de nous appeler si jamais rien ne s'est passé dans les six premiers mois. Mais on voit bien que cela n'est pas suffisant : il existe un décalage entre ce qui est prévu dans les textes et le fonctionnement réel de notre institution.
Concernant notre position sur les centres éducatifs, nous sommes d'avis qu'il faut maintenir les CER, car ils permettent d'organiser des séjours de rupture qui peuvent être le point de départ d'un travail éducatif. Pour ce qui regarde les CEF, notre principale inquiétude est qu'il n'en existe actuellement qu'un seul qui soit réservé aux filles - celui de Doudeville pour seulement dix places. Comme nous ne sommes pas favorables à la mixité des lieux d'enfermement pour mineurs, sachant que certains jeunes ont pu commettre des infractions à caractère sexuel, il nous paraît indispensable d'en construire davantage.
Vous nous avez également posé la question du passage de la majorité pour les jeunes incarcérés durant leur minorité. Lorsqu'un mineur condamné voit sa détention prolongée au-delà de ses dix-huit ans, un aménagement de peine peut être décidé par le juge de l'application des peines, qui récupère alors la compétence du juge des enfants. Le transfert de la compétence entre juges n'est généralement pas facteur de rupture, étant donné que les deux poursuivent le même objectif, à savoir la réinsertion du détenu. Ainsi, de nombreux juges des enfants prononcent, lorsque le prévenu approche de sa majorité, une mise sous protection judiciaire, qui vaut sanction éducative. Nous tenons d'ailleurs à attirer votre attention sur la différence de traitement - pour le moins paradoxale - qu'on pourrait relever entre les jeunes majeurs qui bénéficient de ces mises sous protection judiciaire jusqu'à l'âge de 21 ans et les jeunes majeurs qui n'ont pas eu affaire à la justice et qui sont de moins en moins nombreux à profiter de programmes similaires de protection mis en place par les conseils départementaux, tels les contrats jeunes majeurs.
Votre dernière question concerne l'influence de notre syndicat. Les positions de notre organisation ne sont manifestement pas partagées par la majorité des magistrats, puisque nous n'avons obtenu que 8% des voix lors des dernières élections professionnelles. Nous constatons néanmoins qu'elles gagnent du terrain auprès de nos collègues, qui sentent bien que nous sommes pris dans des contraintes budgétaires et soumis à une succession de réformes législatives. Pour prendre le seul exemple de l'ordonnance de 1945, elle a déjà fait l'objet de 39 réformes et la quarantième est en préparation ; ces modifications ont consisté, le plus souvent, en un empilement de mesures, sans jamais prendre le temps d'une recodification dans une approche pragmatique.