Intervention de Sylvie Marcé

Mission commune d'information sur le système scolaire — Réunion du 10 mai 2011 : 1ère réunion
Audition de mmes sylvie marcé présidente du groupe des éditeurs scolaires vice-présidente du syndicat national de l'edition isabelle magnard présidente de l'association savoir livre et pascale gelebart directrice chargée de mission pour les éditeurs scolaires au syndicat national de l'edition

Sylvie Marcé :

Notre mission d'éditeurs scolaires se situe à la confluence de plusieurs publics : le ministère de l'éducation nationale qui établit les programmes scolaires - lesquels constituent le cahier des charges des manuels que nous élaborons, les élèves à qui sont destinés nos manuels scolaires, les enseignants qui prescrivent les manuels scolaires et s'en servent pour faire leurs cours et enfin les collectivités territoriales qui sont impliquées dans le financement des manuels scolaires selon leur niveau.

Au travers de l'Association Savoir Livre, nous avons mené un certain nombre d'études. Pour l'école primaire, nos interlocuteurs sont les communes. Elles financent nos manuels bien qu'elles n'y soient pas obligées. Il s'opère un partage de rôles sans véritable base formelle. Il serait trop simple de dire que les communes ne disposent pas des moyens nécessaires pour financer les manuels scolaires. La place du manuel scolaire ou les attentes à l'égard de ce manuel ont évolué dans le temps. Aujourd'hui, le ministère de l'éducation nationale souhaite promouvoir de nouveau l'usage des manuels scolaires à l'école primaire. Nous organisons régulièrement des réunions avec la Direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO) à ce sujet.

Durant une trentaine d'années, les manuels scolaires ont eu tendance à être perçus comme bridant l'initiative pédagogique des enseignants. Ces derniers étaient parfois amenés, via l'inspecteur, à considérer qu'un bon enseignant est celui qui conçoit ses propres outils. Nous avons ainsi pu mesurer des écarts importants en termes de financement et d'utilisation des manuels scolaires à l'école primaire. Cette situation nous a inquiétés. Les enseignants avaient fortement recours aux photocopies, qui sont un fléau. Le ministère de l'éducation nationale a d'ailleurs encadré l'usage de la photocopie, dans le cadre des accords qui lient les éditeurs et le Centre français du droit de copie.

Nos études, menées en 2003, prouvaient que la France figurait parmi les pays dépensant le moins pour l'achat des manuels à l'école primaire, soit environ 11,5 euros par an et par élève contre 15 pour les Pays Bas, 28 pour l'Italie et pour l'Allemagne, 54 pour la Suède et 56 pour les États-Unis. Bien que les maires soient disposés à financer les manuels scolaires, les enseignants nous disaient que leurs écoles n'avaient pas le budget nécessaire. Ils disaient rarement ne pas vouloir de manuels. Il existait un manque de dialogue entre les communes et les corps de l'inspection du ministère de l'éducation nationale. Ceci nous avait conduits à mener l'expérimentation « Des manuels et des maîtres » dans plusieurs communes défavorisées de la région parisienne. Nous avions laissé aux enseignants le choix des manuels scolaires. Les chercheurs de l'Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM) de Paris ont coordonné notre étude. D'abord sceptiques, les enseignants ont tous constaté que la fourniture de manuels améliorait l'engagement, l'autonomie et les résultats des élèves.

Depuis 2008, les nouveaux programmes sont en application dans les écoles primaires. Chaque année, nous mesurons le taux d'équipement des élèves en manuels conformes au nouveau programme. Le ministère incite à l'utilisation des manuels scolaires. A la fin de l'année 2010, 52 % des enfants de cycle 3 (CE2, CM1, CM2) ont un livre conforme au programme de français, 50 % conforme au programme de mathématiques, 14 % en histoire-géographie et 6 % en sciences. L'année dernière, le taux d'équipement était moitié moins élevé. Il faudra peut-être attendre encore deux ou trois ans pour qu'en français ou en mathématiques les élèves et les enseignants travaillent avec des livres conformes aux nouvelles injonctions du programme conduisent à un retour aux fondamentaux. En revanche, nous devrons attendre huit à dix ans pour l'histoire-géographie et peut-être quinze ans, ou plus, en sciences.

Cette situation est préoccupante car la pratique des manuels scolaires n'est pas courante à l'école. Pour les familles qui ont moins accès aux livres, le manque d'usage des manuels à l'école pose une question de culture, au-delà de la question d'éducation. Nous relevons également une très forte inégalité entre les communes, avec des écarts de un à dix pour ce qui concerne le financement des manuels. Les petites communes ont tendance à privilégier l'accès aux manuels scolaires car les maires souhaitent conserver leurs écoles.

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