Nous sommes ici devant vous pour vous présenter les résultats d'une enquête menée pour évaluer les pratiques et les attentes des consommateurs des produits de l'herboristerie. Ce travail d'analyse a bénéficié du soutien de FranceAgriMer.
Avant de vous présenter ces résultats, permettez-moi de me présenter en quelques mots. Je suis pharmacien et à l'issue de mes études de pharmacie, j'ai poursuivi avec un doctorat en chimie des substances naturelles, en pharmacognosie c'est-à-dire la discipline qui étudie les substances naturelles présentant un intérêt thérapeutique. Actuellement, je termine une formation agricole, plus précisément un Brevet Professionnel de Responsable d'Exploitation Agricole (BPREA), diplôme agricole de niveau IV, spécialisé en production de plantes médicinales au CFPPA (centre de formation professionnelle et de promotion agricole) de Montmorot dans le Jura.
À l'issue de cette formation, j'ai le projet de m'installer comme producteur et transformateur de plantes médicinales. Cependant, malgré mes diplômes de pharmacien et de pharmacognoste, la réglementation actuelle ne me permet pas de vendre d'autres plantes médicinales que les 148 plantes libérées du monopole pharmaceutique et je n'aurai pas non plus le droit de conseiller sur les plantes ou d'indiquer leurs propriétés traditionnellement reconnues et pourtant validées par différents comités d'experts scientifiques, tels que la Commission E en Allemagne, l'HMPC (committee on herbal medicinal products) et l'ESCOP (european scientific cooperative on phytotherapy) au niveau européen.
C'est comme si les compétences et les connaissances acquises et sanctionnées par le diplôme de pharmacien s'évanouissaient une fois passé le seuil de l'officine pharmaceutique ! Pour autant je ne défends pas le fait qu'il faille nécessairement un diplôme de pharmacien pour produire et vendre des plantes médicinales.
À mon avis, le monopole pharmaceutique sur la vente de plantes médicinales a son intérêt pour protéger le consommateur des plantes présentant un réel risque. C'est d'ailleurs ainsi que sont considérées les huiles essentielles, au travers d'une liste négative. À ma connaissance, aucun producteur ne souhaite revenir sur la liste des 15 huiles essentielles du monopole pharmaceutique car elles présentent des risques de neurotoxicité. De la même manière, aucun producteur ne revendique la vente des plantes médicinales appartenant à la liste B de la pharmacopée qui comporte des plantes toxiques dont le risque est plus important que le bénéfice attendu. Il ne serait pas prudent de libérer toutes les plantes de la liste A qui pour certaines présentent aussi des risques élevés, comme par exemple les digitales ou la belladone. Mais d'autres plantes de la liste A comme le bleuet ou le calendula ne nécessitent pas à mon avis, six ans d'études, pour pouvoir être vendu. Néanmoins, une productrice s'est vue forcée, encore la semaine dernière, de retirer ces deux plantes de mélanges qu'elle proposait à la vente car elles font partie du monopole pharmaceutique.
Je pense également qu'il est indispensable pour le consommateur de pouvoir disposer d'informations sur les plantes et les huiles essentielles qu'il achète, à la fois sur leurs propriétés traditionnellement reconnues mais aussi sur les risques potentiels qu'elles représentent en termes de contre-indications et de précautions d'emploi éventuelles.
Nous pourrons revenir sur ces points s'ils suscitent des questions de votre part.
Revenons au point de vue des consommateurs.
Nous ne présenterons ici que les points essentiels de l'enquête et nous tenons à votre disposition un document synthétique réalisé par la Fédération des paysans-herboristes.
Cette enquête a été mise en ligne entre juin 2016 et novembre 2017 et a recueilli au total 1 471 réponses exploitables, ce qui est relativement élevé, étant donné le nombre de questions (79 questions ont été relevées, dont environ la moitié sont des questions ouvertes visant à recueillir des témoignages spontanés des consommateurs de l'herboristerie).
L'objet de cette enquête est de répondre à différentes problématiques : tout d'abord qui sont les consommateurs de plantes médicinales en France ? Quels sont leurs savoirs et leurs pratiques herboristiques ? Comment évaluent-ils les conseils que leur formulent les professionnels de l'herboristerie et que pensent-ils de la qualité des produits qu'ils achètent ? Enfin quelles sont leurs attentes concernant la filière des plantes médicinales ?
À propos du profil des répondants, l'enquête a été diffusée dans toute la France métropolitaine, nous avons eu des réponses dans quasiment tous les départements, avec une plus forte participation dans le quart sud-est et à l'ouest. On note une plus forte participation féminine, de l'ordre de 80 %, une proportion qui se retrouve également dans le public qui assiste aux cours d'herboristerie ainsi que dans les formations de producteurs de plantes médicinales. La moyenne et la médiane d'âge sont de 45 ans, soit à peu près conformes à la population générale. On note également une forte participation du monde rural, représenté par plus de 60 % des répondants. On remarque que les répondants sont principalement de fidèles usagers puisque deux tiers d'entre eux déclarent utiliser des plantes médicinales depuis plus de 10 ans, bien que l'on observe une recrudescence de l'usage de plantes médicinales, en particulier depuis les années 2000.
En termes de représentation des usagers de l'herboristerie, on observe deux approches pour qualifier les raisons de l'utilisation des plantes médicinales : une approche négative, pour un peu moins de la moitié des répondants, qui traduit une méfiance vis-à-vis du médicament de synthèse ou de l'approche allopathique, une certaine crainte des effets secondaires et enfin des situations d'impasse thérapeutique par le biais de la médecine conventionnelle. En revanche, une plus grande proportion des répondants a une approche que l'on pourrait qualifier de positive et naturelle, lorsque l'utilisation des plantes médicinales s'inscrit dans une tradition familiale, suite aux conseils de professionnels ou parce que ces plantes leur permettent une plus grande autonomie dans la prise en charge thérapeutique. Ils déclarent enfin que l'herboristerie est efficace.
La représentation de l'herboristerie est globalement positive, mais 88 % des informateurs estiment qu'un produit réalisé à partir de plantes médicinales comporte un risque d'utilisation tandis que 90 % des Français perçoivent les médicaments comme des produits actifs présentant certains risques d'après l'Observatoire sociétal du médicament.
S'agissant des pratiques des usagers de l'herboristerie, en utilisation régulière se sont essentiellement les tisanes, qui représentent 80 % des pratiques. Viennent ensuite les huiles essentielles (54 %) et enfin les préparations cutanées sous forme de baume et de crème, à visée soit cosmétique soit thérapeutique. D'autres formes sont davantage préconisées en cas de maladie, c'est le cas des teintures mères et des huiles essentielles. Des formes sont enfin d'utilisation plus rare, tels que les sirops, les poudres, les gélules et les ampoules macérats glycérinés.
Parmi les 300 plantes médicinales les plus utilisées, les plantes alimentaires sont les plus courantes, utilisées soit pour leurs propriétés culinaires, comme le thym, soit pour leurs propriétés aromatiques, comme la verveine, le romarin, la menthe ou la mélisse. Sur les 40 plantes médicinales les plus utilisées sous forme de tisane, on observe qu'un quart sont sous monopole pharmaceutique. Ces plantes sont essentiellement utilisées pour des troubles digestifs, des troubles du sommeil et de l'anxiété et des troubles ORL.
En ce qui concerne les huiles essentielles, on retrouve essentiellement la lavande, l'arbre à thé, le ravinstara, la menthe poivrée et la gaulthérie. Les principales indications sont les affections ORL et les états grippaux, les affections dermatologiques, le stress, l'anxiété et les troubles du sommeil ainsi que les problèmes infectieux.
En termes de connaissances, les usagers de l'herboristerie ne sont pas passifs. Ils ont des connaissances sur les propriétés des plantes, qu'ils vont chercher essentiellement dans les livres, en participant à des formations et auprès de professionnels. Enfin, la transmission familiale ou à travers l'entourage est également relativement importante. Seuls 1 % des répondants disent accorder une confiance totale dans les informations qu'ils trouvent sur internet. On évalue l'indice de confiance à 5 sur 10.
Je passe maintenant la parole à Carole Brousse pour la suite de l'enquête.