Nous ne sommes pas dans un État fédéral. Depuis Jean Bodin, nous savons que la souveraineté est faire la loi, battre monnaie et faire la guerre. Or l'Union européenne n'a pas la capacité de faire la guerre car elle n'a pas d'armée.
En revanche, nous sommes dans un système fédéral. Ce sont les Länder allemands qui ont plaidé, en 1992, en faveur de la logique du principe de subsidiarité et de la répartition des compétences. Inquiets de voir l'extension des compétences de l'Union, les Länder allemands ont réalisé du lobbying, au moment des négociations, pour que des principes d'articulation fédéraux soient intégrés au sein de l'Union afin de préserver in fine leurs compétences.
Je suis assez étonnée que vous pensiez toujours réaction, et non anticipation. L'Allemagne ou encore l'Espagne, État composé de dix-sept communautés autonomes, ont su organiser la coopération loyale en leur sein afin de mieux agir au moment de l'adoption et de l'élaboration des lois. Il faudrait que la France s'adapte au XXIe siècle. En France, nous ne sortons pas du fait majoritaire et de la Constitution de la Ve République. En dépit de la réforme de 2008, il existe toujours une chape de plomb et le Parlement n'est pas encore à la hauteur de ses responsabilités, pour diverses raisons. Les parlementaires doivent être davantage proactifs que réactifs.
Baptiste Bonnet a effectué une formidable présentation concernant la légitimité, à laquelle j'adhère.
Voudriez-vous que la Cour européenne et sa jurisprudence soient gelées dans le temps en 1950 ? Je suis personnellement heureuse que des juges européens des droits de l'homme - dont la légitimité relève de l'accord initial des États ayant ratifié la Convention mais aussi des citoyens qui envoient des requêtes car ils souhaitent que la Cour s'engage en l'interprétant de façon moderne - créent, avec davantage de finesse et d'équilibre que l'on veut bien le dire, des ouvertures pour que les citoyens puissent se dire qu'ils vivent dans un État moderne.
Je suis heureuse de ne pas vivre aux États-Unis et de ne pas être sous la houlette d'une Cour suprême au sein de laquelle il existe des juges originalistes. Ces derniers interprètent la Constitution américaine au moment où elle a été élaborée, ce qui légitime par exemple le maintien du port des armes à feu. Une interprétation ultra-restrictive expose à ce type de délire.
J'ai confiance en une belle expression de Guy Canivet : « la bénévolence des juges ». Ces derniers sont responsables et ne font pas n'importe quoi. Je constate une espèce d'obsession sur les questions de société, qui représentent une infime partie du contentieux européen. Les chiffres du rapport annuel de la CEDH pour 2021 montrent que l'article le plus souvent invoqué est l'article 6, relatif au procès équitable et à la durée de la procédure. En effet, l'article 6 concerne près de 600 arrêts sur les plus de 1?000 arrêts rendus en 2021.
Nous devons donc raison garder sur cet impensé, qui est en réalité un pensé.