Cette question est grave et complexe. Nombre d'auteurs - politistes, économistes ou encore juristes - constatent une crise de la démocratie représentative. Devant cette crise de la représentation, où même les représentants du peuple ne sont plus considérés par les peuples comme leurs dignes et fidèles représentants, le centre névralgique de la démocratie se déplace vers l'exécutif, dont l'omnipotence perdure et participe de la crise, et vers le juge. Ce dernier représente l'ultime recours et le tiers impartial.
Ce recours au juge peut en effet entrainer des effets dangereux et délétères à long terme.
Avant d'invoquer l'article 7 du traité, la Commission a tenté le dialogue pendant des années avec la Pologne, pendant que celle-ci continuait de porter atteinte à son système judiciaire et se moquait de la Commission. Quand la Commission et le Parlement ont activé l'article 7, nous savions bien que ce dernier était une « arme nucléaire » qui ne fonctionnerait pas, compte tenu de ses règles procédurales. Il en a résulté une impuissance du politique à l'échelle européenne, où tous les États au sein du Conseil et l'administration de la Commission ont été incapables d'agir ou ne l'ont pas voulu.
Le juge a alors été le seul à défendre l'État de droit. Je suis admirative de la créativité de la Cour qui, en utilisant des textes présents dans les traités, a défendu les valeurs communes à tous.
En revanche, ce recours au juge peut être en effet dangereux à terme car la Cour a comblé le vide et l'impuissance du politique. Elle s'est faite gardienne des valeurs, ce qui peut être dangereux à terme dans tout système, y compris national.
En France, il sera très difficile de corriger ce problème dans le cadre des institutions de la Ve République. Évidemment, les parlementaires travaillent mais ils sont pris dans un carcan de procédures et dans une tradition où le fait majoritaire écrase beaucoup d'initiatives. Cette histoire française fait que le Parlement n'est pas en mesure de se rebeller. Il est formidable que vous en soyez conscients et je suis sûre qu'il existe de nombreuses possibilités d'agir.