Merci de cette opportunité d'échanger avec vous sur ce sujet.
Le groupe Eramet est historiquement présent en Nouvelle-Calédonie. Si ce territoire est français, c'est parce qu'au XIXe siècle, un ingénieur français y a trouvé du nickel. Nous menons des opérations d'extraction de nickel et de cobalt en Nouvelle-Calédonie et en Indonésie, de manganèse au Gabon, de titane au Sénégal, de lithium en Argentine. Avec des activités minières et de transformation métallurgique, notre modèle est plus intégré que celui de nos concurrents non européens.
Des métaux tels que le nickel, le cobalt, le manganèse ou le lithium pourraient se trouver dans les grands fonds marins, mais l'intérêt de notre groupe à cet égard est assez limité. Nous n'avons pas de projet de développement, ni même d'étude, dans ce domaine.
Les technologies ne sont pas assez mûres pour envisager une exploitation à grand volume. Les coûts opératoires seraient rédhibitoires par rapport à ce que l'on trouve ailleurs. Nous avons toujours cherché les ressources les plus accessibles, économiques et faciles à exploiter.
Les grands fonds marins ne feront pas partie des gisements intéressants avant 2040. Nous n'avons pas identifié de modèle économique dans lequel leur exploitation serait pertinente.
Le nickel, le cobalt et le lithium, souvent définis comme stratégiques, se trouvent encore en grande quantité dans des gisements plus traditionnels, dans lesquels on peut opérer avec sécurité et investir avec visibilité. On dit souvent que l'exploitation du nickel est l'industrie la plus capitalistique après le nucléaire. Un projet d'extraction de nickel coûte un à deux milliards de dollars.
Les grands fonds marins ne sont donc pas un axe d'étude.
La sécurisation juridique de l'accès à ces fonds à court, moyen et long terme est nécessaire. Il me semble que le plan France 2030 inclut ce point. Au-delà, il est important de sécuriser l'approvisionnement de l'industrie française en matières premières, notamment en métaux stratégiques.
Ces industries doivent disposer d'une quantité de ressource adéquate et d'un modèle économique viable. En outre, il faut s'assurer que leur empreinte RSE corresponde aux normes de notre marché intérieur et aux exigences du consommateur final.
Les moyens financiers publics doivent être orientés vers le développement de projets miniers, de projets de première transformation métallurgique et de projets de recyclage. Il s'agit d'une première réponse pour sécuriser notre approvisionnement en métaux indispensables à la réussite de la transition énergétique. Dans la mesure où les montants à mettre en oeuvre sur ce premier volet sont déjà colossaux, il serait prématuré d'orienter des financements publics significatifs vers l'industrie des fonds marins dont le potentiel n'est pas encore avéré.
Par ailleurs, l'empreinte RSE de ce type d'activité ne doit pas être minimisé. Faute d'études, nous n'avons que peu de visibilité sur les conséquences environnementales d'une exploitation des fonds marins à une échelle industrielle. Il ne faudrait pas renforcer encore la méfiance des communautés locales ou celle du consommateur final à l'égard de nos métiers. Je crains que le développement de nouvelles activités minières, dont l'impact environnemental est encore flou, ne nuise à la mise en place de l'amont minier essentiel pour tenir notre trajectoire de lutte contre le réchauffement climatique.