Je commence par la vision des enjeux. La question est difficile, mais actuelle. Quand j'examine le titre de votre mission, « L'enseignement agricole, outil indispensable au coeur des filières agricoles et alimentaires », mon premier réflexe est de préciser que cet outil indispensable est en réalité au coeur de l'ensemble des filières. En effet, les enjeux relatifs au carbone renouvelable, au changement climatique, aux transitions en cours, trouveront leur réponse, d'une manière ou d'une autre, dans un lien avec l'agriculture et avec le monde situé en aval de l'agriculture. AgroParisTech défend cette position. L'enjeu est plus large que celui mentionné dans le titre de votre mission. Je pense, en l'occurrence, que cet enjeu est extrêmement présent dans un établissement comme celui que je dirige. Nous avons récemment établi la revue stratégique à 5 ans des départements qui composent l'établissement. L'ensemble des départements ont positionné la question des enjeux et des transitions en cours dans toutes leurs dimensions comme étant la position clé.
Dès lors, le fait que les sciences du vivant et les sciences des milieux soient au coeur de ces questions nous motive. Ce constat répond à une partie de votre question sur le lien à la recherche. Le domaine évoluant de manière significative du point de vue de la recherche, il existe un lien essentiel avec les activités de recherche, qui est structurel dans la construction d'AgroParisTech et de nombreux établissements.
Précisons les enjeux. Un établissement d'enseignement supérieur de recherche comme le nôtre doit former les cadres, selon deux finalités.
La première d'entre elles veut que les cadres soient immédiatement opérationnels. L'employabilité en sortie d'un établissement comme AgroParisTech s'inscrit au-delà de 98 %. Je pense que Christophe Fachon produira des chiffres similaires. Un certain nombre de cadres, de surcroît, suivent un double diplôme ou une continuité d'études. Il s'agit peut-être d'une dimension importante du secteur dans lequel nous évoluons. La première finalité concerne donc l'employabilité et la nécessité de servir l'ensemble du secteur qui nous concerne. Chez AgroParisTech, environ 60 % des élèves rejoignent le domaine agricole ou le monde situé en aval de l'agriculture, ainsi que les services associés. J'inclus le conseil, pour une part, dans ces fonctions.
Il existe par conséquent des enjeux de formation, de recherche et un enjeu aujourd'hui extrêmement présent et de plus en plus consubstantiel à un établissement d'enseignement supérieur, celui de l'innovation, qui est la seconde finalité. Les jeunes, en effet, ont changé. Ils ont le souhait d'agir et de marquer leurs responsabilités. Ils se trouvent ainsi en situation de demander d'autres formes d'enseignement et d'être rapidement impliqués dans la réalisation. J'y vois un élément essentiel de l'enseignement agricole. Il était déjà présent, car le lien entre théorie, méthode, concepts et terrain est extrêmement important dans la manière dont la formation est conduite aujourd'hui dans l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur agricole. Il s'est en revanche enrichi, au cours des dernières années, de la volonté et la désinhibition quant à la possibilité et au devoir d'agir. L'entreprenariat, l'innovation, des formes pédagogiques de plus en plus tournées vers la capacité à réaliser se concrétisent, en l'occurrence, par une personnalisation de plus en plus grande de la formation, rendue par conséquent complexe lorsqu'il est question de 400 élèves ingénieurs chaque année.
AgroParisTech présente en outre la caractéristique de porter plusieurs cursus. Le premier d'entre eux est le cursus d'ingénieur. Il s'agit du cursus de référence de l'établissement. Il s'étale sur 3 ans après une sélection relativement drastique pour entrer à l'école. Le cursus suivant est le cursus de Master. Il est réparti entre les différentes implantations universitaires de l'établissement. Dix campus sont en effet répartis sur le territoire, chacun ayant une spécialisation donnant lieu à des déclinaisons de Master spécifiques. Le cursus doctoral, de son côté, est essentiel, puisque nous formons des docteurs chaque année. Nous portons une grande attention au fait que le doctorat soit au meilleur niveau français et européen, comme les différentes évaluations le valident actuellement. L'enjeu est de rester au meilleur niveau. Nous formons, en l'occurrence, des cadres scientifiques à la fois pour les entreprises et pour la recherche publique. Enfin, le cursus de Masters spécialisés a une finalité extrêmement importante. Il s'agit d'une particularité chez AgroParisTech. Notre histoire réside effectivement dans la fusion des établissements qui ont fondé AgroParisTech. Nous avons ainsi comme finalité de former pour les politiques publiques. Nous formons notamment, avec l'École des Ponts, les ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts (IPEF), l'un des corps de l'État. L'enjeu est de former pour les politiques publiques nationales et territoriales. Au travers des Masters spécialisés, de nombreux élèves rejoignent les collectivités territoriales, ces Masters étant fléchés sur quelques objets qui concernent ces collectivités (la forêt, l'eau, les territoires, etc.).
Enfin, traditionnellement, AgroParisTech est décrit par l'emploi des termes d'agriculture, d'alimentation et d'environnement. Désormais, le terme de santé doit y être ajouté. La question du lien à la santé se développe en effet dans les activités et dans les souhaits des enseignants-chercheurs et des cadres scientifiques qui composent l'établissement, mais également dans les demandes des étudiants, pour lesquels le sujet devient de plus en plus important. Nous gardons évidemment les dimensions de l'alimentation et de l'environnement, avec les thèmes de toxicologie, de l'écotoxicologie, de la nutrition, etc. Nous conservons en outre le point de vue de l'ingénieur sur la santé. Nous ne cherchons pas à former des médecins. En revanche, il existe un enjeu fort pour établir des liens avec les études de médecine et de pharmacie, auquel nous tentons de répondre notamment par le lien avec l'université Paris Saclay.